Il ne fallait pas plus qu’une série d’attaques ciblant des taxis-brousse pour que la route nationale 7 redevienne, dans l’esprit de certains ou peut-être déjà dans l’inconscient collectif, la tristement célèbre RN7 fief des coupeurs de route et bandits de grand chemin, dans le sens propre du terme. Aussi étrange que cela puisse paraître, les malfaiteurs ont attendu la fin des grandes vacances et du pic du flux routier pour sévir. Ils ont choisi un axe moins fréquenté que ceux empruntés par les vacanciers de Mahajanga, Toamasina ou encore Foulpointe… Alors qu’ils ont visiblement beaucoup investi dans ces opérations. Du moins dans l’une d’entre elles où les témoins rapportent que les assaillants auraient arboré des tenues militaires et des armes “lourdes”… Au stade actuel des choses, les forces de sécurité ont exprimé le même étonnement et souligné que la suite de l’enquête déterminera de quoi il en retourne exactement. Qu’à cela ne tienne, le timing et les endroits choisis pour ces attaques peuvent tout naturellement susciter des interrogations, en l’occurrence parce que certains axes routiers se trouvant dans un état plus délabré que la RN7, ils constitueraient, plus logiquement, des zones d’action plus “profitables” pour les bandits.
Il n’en demeure pas moins que cela s’apparente à un retour en arrière dans la mesure où ce genre de phénomène a quelque peu disparu pendant quelques années pour connaître de nouveau une certaine résurgence depuis quelques jours. Celui-ci a d’ailleurs fait de la RN7 une des routes les moins sécurisées du pays pendant des années, notamment vers 2017-2018 durant lesquelles le nombre d’attaques rapportées dans les médias ont été légion, que ce soit à proximité de Camp Robin, Ambohimahasoa, Ambalavao, ou encore de Sakaraha. Mais c’est le signe également que les forces de l’ordre ont du pain sur la planche, notamment pour garantir la sécurité de la libre circulation des personnes et des biens sur tout le territoire national. Autre fait curieux d’ailleurs, le regain d’activité de ces bandes organisées sur les routes nationales semble coïncider avec les efforts du régime pour mettre en place de nouveaux centres d’incarcération. A cette allure, si les investigations suivent bien leur cours et aboutissent à des arrestations, il ne faudra pas longtemps pour que ces prisons aux normes se remplissent à vue d’œil.
Le tourisme aussi
Pour beaucoup, il ne faut pas chercher plus loin que la pauvreté pour trouver l’explication de cette explosion de l’insécurité, notamment sur les routes nationales. Cela ne fait pas de mystère en tout cas pour les détracteurs du pouvoir en place. Il y a sans doute du vrai, mais l’apparition subite et en cascade de certains épiphénomènes qui n’ont pas réellement propension à apaiser les choses laisse planer le doute sur leur caractère fortuit. De surcroît, on peut d’ores et déjà avancer sans grand risque de se tromper que les uns et les autres se projettent dès à présent sur les échéances électorales… Bref…
Quoi qu’il en soit, cet autre visage de l’insécurité risque aussi d’enfoncer encore un peu plus
le tourisme et les nombreuses localités qui en vivent, alors qu’en attendant la réouverture des frontières, les opérateurs du secteur ont déjà changé leur fusil d’épaule en promouvant des offres destinées aux touristes locaux. Voyager la peur au ventre, c’est loin d’être encourageant.
On pourra également se projeter sur une éventuelle reprise des vols internationaux et plancher sur l’arrivée des touristes étrangers. De plus, le Centre américain de contrôle et de prévention des maladies (CDC) vient de reclasser Madagascar parmi les pays à faible risque de contracter le Covid. Mais avec d’autres risques sanitaires tels que la peste pulmonaire qui frappe dans quelques régions, cette insécurité sur les routes pourrait malheureusement, si elle perdure, rejoindre la liste des avertissements adressés par certaines représentations étrangères à l’endroit de leurs ressortissants. Et faire en sorte que la situation reste la même que celle ayant prévalu au temps fort de la crise du Covid-19 et au moment des restrictions sanitaires. Pour autant que la pandémie régresse dans le monde et que les visiteurs se décident à venir, ils arriveront au compte-gouttes, hésiteront à se déplacer dans les régions touristiques de l’île qui resteront tout aussi désespérément vides de pourvoyeurs en euros et en dollars.
Pour sûr, cette fameuse réouverture des frontières dépend grandement de l’évolution de la crise sanitaire mondiale. Mais les facteurs internes constituent un enjeu tout aussi important.
N.R.