Changement du système éducatif: des générations sacrifiées

Normalienne retraitée, Marie Ange Rakotoniaina continue toujours d’exercer en tant qu’enseignante dans le secteur privé. Au cours de ses 40 ans de carrière, elle a constaté qu’à chaque changement du système éducatif, le niveau des élèves régresse. Interview.

* Les Nouvelles : Durant votre carrière, de nombreuses politiques éducatifs ont été adoptés et mises en œuvre à Madagascar au cours de ces dernières décennies…

– Marie Ange Rakotoniaina : La liste est longue, à citer l’approche par curricula, l’approche par situation, l’approche par compétence (APC), l’approche différentielle et l’approche par objectif (PPO).

*D’après vous, quelles sont les conséquences de ces réformes successives ?

– Une fois qu’un nouveau système est appliqué, le niveau des élèves régresse. Ce qui est compréhensible, car il y a un manque d’accompagnement, notamment la formation pour les concernés. On se contente de distribuer le programme avec les documents afférents. Du coup, il serait difficile de rattraper les erreurs. A chaque fois, le résultat du CEPE chute au moins de 15%, alors que d’habitude, le taux de réussite affiche un score de 100 %. Il faudra du temps avant qu’on puisse atteindre la performance attendue. Pire, ces générations subissent les impacts de la réforme entreprise tout au long de son cursus scolaire. C’est le cas de la malgachisation durant la deuxième république, à titre d’exemple.

. Pourquoi ?

– Je ne suis pas habilitée à donner des explications. Les techniciens de l’éducation, comme les conseillers pédagogiques, sont les seuls spécialistes qui peuvent donner leur avis à ce sujet. Toutefois, en tant qu’éducatrice, il est de mon devoir de partager ce que j’ai vécu tout au long de ma carrière.
. Que suggérez-vous donc ?

– Avant de prendre une telle décision, une assise nationale de tous les acteurs du système de l’éducation, ou du moins des représentants, devrait avoir lieu. Cela permet de voir ensemble, d’analyser et surtout d’éviter les éventuels problèmes lors de la mise en application d’un nouveau système pédagogique. Je doute qu’on ait respecté cette démarche avant de voter cette loi d’orientation de l’éducation à l’Assemblée nationale. Il faut également prendre en compte la formation très pointue des enseignants avant de mettre en application une approche quelconque, aussi bien du privé que public, afin qu’une nouvelle génération ne soit sacrifiée.

. Parmi ces approches pédagogiques, laquelle est la moins performante, selon votre avis ?

– L’approche par les compétences ou APC. Cette méthode n’encourage pas les élèves à donner les meilleurs d’eux même. Par exemple, il suffit qu’un élève trouve le début de résolution d’un problème de calcul pour qu’il obtienne une note, même si le reste est faux.

Propos recueillis par Sera R

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