Pascale Tuseo-Jeannot: « Des défis restent à relever pour lutter contre la drépanocytose »

La prise en charge de la drépanocytose reste toujours un grand défi à relever. De nombreux malades sont privés de traitement, faute de dépistage précoce et de soin de proximité… Par ailleurs, les statistiques fiables et à jour sur cette maladie manquent. L’ONG Lutte contre la drépanocytose à Madagascar (LCDM- Solimad), à travers sa présidente Pascale Tuseo-Jeannot, a partagé ses points de vue sur la situation qui prévaut actuellement autour de cette pathologie. Interview

(*) Les Nouvelles : Quelle est la situation actuelle sur la drépanocytose à Madagascar ?

(+) : Pascale Tuseo-Jeannot : En général, les statistiques ne reflètent pas la situation et je dirais même qu’elle est sous-estimés. Les chiffres dont nous disposons démontrent de manière sporadique la situation dans des communes où nous avons réalisé des dépistages au niveau des 27 antennes et 30 médecins référents de l’ONG LCDM à Mada­gascar. Sur la période de 2018 à 2022, nous pouvons avancer un taux de plus de 7 à 8% d’homozygote par site testé – c’est-à-dire des personnes, malades, atteintes de la drépanocytose, portant les deux gènes malades de la drépanocytose SS/SC) – et plus de 13% d’hétérozygote. Notons que ces chiffres ne concernent que des personnes nouvellement testées durant cette période et qui viennent donc enrichir les études de prévalence indiquée précédemment par les thèses et I’Institut Pasteur de Madagascar (IPM), à savoir de 2 à 3% d’homozygote à 11% d’hétérozygote. Nous recensons 3 à 6 décès par an.

(*) Quelles sont les lacunes dans la prise en charge de cette maladie à Madagascar ?

(+) Le manque et/ou à l’absence de tests dédiés permettant d’avoir de vrais et bons diagnostics. Le manque d’informations et de formations nécessaires au personnel de santé, surtout en périphérique, figure parmi les lacunes dans la prise en charge de la maladie. Or, nous avons édité un guide de prise en charge de la maladie ainsi que des fiches techniques simples à suivre et qu’il faudrait diffuser et afficher dans tous les centres de santé de l’île (depuis 2018). A cela s’ajoute le manque d’infrastructure de santé pour assurer la prise en charge en général d’une personne hospitalisée. La drépanocytose, tout comme ce qu’on disait à propos du Covid-19, a toujours été « un marqueur révélateur de la fragilité d’un système de santé ».

(*) Quels sont les défis à relever dans la prise en charge de cette maladie dans le pays

(+) La drépanocytose est une maladie génétique, chronique héréditaire non contagieuse. Une maladie de la douleur, elle est budgétivore et chronophage. Entre autres, les drépanocytaires doivent boire plus de 2 à 3 litres d’eau par jour selon le poids et l’âge. Or, nous savons bien que l’accès à l’eau est déjà un grand défi pour tout le monde. Imaginez donc une famille avec un, voire plusieurs enfants drépanocytaires, dont les conditions de « survie » et les risques d’une crise peuvent conduire à tout moment à l’hôpital, se retrouvant dans une spirale de prise en charge des complications. Sans oublier le coût, car une hospitalisation peut varier entre 300.000 ariary et à plus de 1.600.000 ariary la semaine pour une crise. Pour que le pays puisse prendre en charge la maladie, il faudrait que l’Etat malagasy soutienne, entre autres, le « programme/Concept note » que LCDM a coécrit avec les experts œuvrant sur le terrain à Madagascar, les épidémiologistes, pour qu’un vrai programme triennal soit financé.

Propos recueillis par Fahranarison

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