Mercredi des idées en goguette: Pour quelques ariary de plus…

Le commerce à Ma­dagascar. C’est un secteur qui connaît son lot de situations et comportements cocasses, voire d’incongruités.

Le riz local se vend à prix d’or depuis quel­ques semaines. Et dans le sillage de cette denrée, les autres produits de première nécessité également. Aussi in­com­préhensible que ce soit. Les marges augmentent à chaque ni­veau de la chaîne de distribution et l’on avance notamment comme justificatif les perturba­tions climatiques qui ont cham­boulé les pério­des culturales et les récoltes.
Il est vrai que le pays a rarement connu une telle pluviométrie, faible voire quasi-inexistante à ce niveau de l’année, mettant à mal l’agriculture aussi bien périurbaine que rurale. Et voi­là qu’un cyclone s’invite aussi dans la danse… pour le plus grand bonheur de certains. On en est là effectivement : à attendre qu’une catastrophe naturelle survienne pour quelques jours de pluies…
Mais même sans aléa climatique, le budget des ménages est déjà mis à rude épreuve à chaque période de fête. Et cela, de manière presque inex­plicable malgré tous les arguments avancés, si ce n’est néanmoins que les marchands profitent de la demande qui augmente considérablement en pa­reilles circonstances, pour se faire plus de bénéfices.
C’est un peu… chacun pour soi et tant pis pour les autres.

La monnaie de sa pièce

Mais voilà, le commerce est un domaine où les bizarreries en tout genre sont monnaie courante.
Par exemple, Mada­gas­car est peut-être le seul pays au monde où une transaction commerciale, au détour d’un étal de légumes et de fruits, ou encore d’autres produits de consommation, peut ne pas se conclure parce que le marchand… n’a pas la monnaie à rendre. Au moins une fois dans sa vie, tout Malgache qui se respecte a certainement déjà eu droit au fameux “tsisy madinika”. Comme si la notion de fond de caisse semble totalement inconnue, voire inexistante. Ailleurs, cela peut être aisément assimilé à un refus de vente ou alors à de la discrimination. Ici, vous pouvez parfois vous faire expulser d’un taxibe si vous avez le malheur de n’avoir que de gros billets en votre possession. A l’inverse, plus forts que la Banque centrale, certains commerçants refusent les espèces sonnantes et trébuchantes, décidant de manière arbitraire que les pièces ne peuvent plus circuler au pays… ou vous rendent votre monnaie en… bonbons.
La vente en ligne con­naît également son lot de ridicule. Et pour cause, des arnaqueurs en tout genre ont choisi d’opérer sur les réseaux sociaux où pullulent les bonnes affaires. Mais ce n’est pas tout car pour un article à vendre ou à échanger par exemple, le vendeur prendra bien soin chaque fois de préciser que le prix sera, pour ce seul et même produit, sensiblement plus élevé pour une reprise que pour un achat.

Champions de la spéculation

Ce ne sont que quel­ques illustrations des pe­tites habitudes et comportements de vendeurs malgaches. Le métier a évidemment pour objectif de faire des profits. Mais lorsque cette recherche de rentabilité tombe dans l’excès et impacte gravement le pouvoir d’achat de la population, cela de­vient inadmissible. D’au­cuns deviennent même subitement spécialistes en microéconomie pour pouvoir justifier le fait de se faire davantage de profit sur le dos des consommateurs.
Le raccourci avec une soi-disant incapacité du pouvoir en place est vite fait et personne ne se dit que l’économie nationale continue de subir les affres de la pandémie de Covid-19, que le tourisme est à l’agonie, que les échanges commerciaux sont chamboulés en raison de la fermeture persistante des frontières, que l’Ariary a connu une longue descente aux en­fers… Bref, on préfère excuser les rétentions de stock et autres spéculations plutôt que de comprendre que le monde entier vit dans des circonstances exceptionnelles. On aurait beau changer tout l’Exécutif mais les frontières mondiales ne rouvriront pas, l’économie internationale ne chan­gera pas subitement…
Dans cette situation si particulière, la responsabilité des uns et des autres doit être mise dans la balance, autant celle du ministère responsable qui doit trouver des solutions face à cette inflation galopante et jouer son rôle de régulation, que celle des organisations de défense des droits des consom­mateurs. La volonté de normaliser les systèmes d’affichage des prix au niveau des marchés, ainsi que l’harmonisation de la métrologie légale (à travers notamment ce changement du fameux kapoaka de riz), sonnent déjà comme un bon début mais doivent être traduites en actes.
Sans oublier que chacun doit se comporter avec bienveillance, compréhension mais surtout dans le respect des lois en vigueur.

N.R.

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