Mercredi des idées en goguette: Ville d’eaux…

Le Sud, victime de sécheresse, en proie à la famine ; la capitale inondée à chaque saison pluvieuse. Inonda­tion, c’est sans doute un bien grand mot, mais déjà, le spectre des crues et autres quartiers complètement immergés, plane.
Quoi qu’il en soit, il ressort de ces destins divers que nous avons clairement quelques soucis au niveau de la maîtrise des eaux. Et ce, depuis toujours. Dans la partie australe de la Grande île, le pays des extrêmes en termes de conditions climatiques, l’eau fait cruellement défaut en général. Mais il arrive parfois que le climat aride laisse place à de véritables déluges. En particulier lorsqu’un cyclone touche terre et y va de ses résidus nuageux.

A boire ou à évacuer

Dans d’autres localités comme Antanana­rivo, les problèmes de gestion de l’eau revêtent de multiples facettes, entre autres l’approvisionnement en eau potable. En effet, malgré les efforts de la compagnie responsable, la panique cède le pas presque toujours immédiatement à la colère et la frustration, ou alors à une attitude blasée, ne serait-ce qu’à la seule perspective d’une éventuelle coupure d’eau. Les autorités successives ont eu beau se faire rassurantes dans leurs discours mais cela n’y a pas changé grand-chose : la ruée des seaux, bidons et autres fûts bat chaque fois son plein auprès des bornes-fontaines et maintenant des citernes de fortunes installées dans quelques fokontany. La pilule est dure à avaler… particulièrement lorsqu’il man­que l’eau pour l’accompagner.
Mais cette eau de­vient principalement un problème en saison des pluies dans la capitale ; et les quelques jours de pluies récents ont déjà annoncé la couleur. Tous les ans, les images de quartiers entiers noyés dans une mare douteuse, de piétons contraints d’y barboter, de véhicules et motos en rade, de charrettes qui s’impro­visent en moyens de transport… font partie des scènes de vie quotidienne des habitants
de la capitale chaque
fois qu’il pleut un peu plus que la normale. A croire qu’en raison de ses canaux d’évacuation défaillants, Antanana­rivo souffre de rétention d’eau.

Irresponsabilité
collective

L’épidémie de coronavirus constitue une autre inconnue quant à l’ampleur des dégâts qui risquent de survenir dans la mesure où elle a quelque peu éclipsé les préparatifs en vue de la prochaine saison cyclonique. De surcroît, nous avons tous cette faculté à ne pas se sentir responsables. A jeter les ordures ménagères en-dehors des horaires établies, on a fini par déborder le service chargé de la collecte et ses ministères de tutelle, déjà en mal de ressources financières. Il en est de même lorsque, sans vergogne ni retenue aucune, on jette à longueur d’année nos dé­chets plastiques dans les canaux publics qui, pour preuve de l’infamie, finissent par les régur­giter par milliers après une décrue. Ou encore quand, en faisant peu cas de toute procédure et autorisation de construction, ainsi que des règles d’urbanisme, on érige
en toute illégalité des infrastructures sur les réseaux d’assainissement, buses et autres regards… Des toilettes privatives aux gargotes et épiceries, en passant par des bassins lavoirs privés, murs, ou littéralement des maisons en dur ou de type bidonville… la liste n’est malheureusement pas ex­haustive.
Autant de facteurs expliquant la lenteur
du débit d’évacuation d’eaux usées dans la capitale et les inondations consécutives à chaque grosse précipitation. Mais personne ne s’en sent responsable. Au contraire, tout le monde est prompt à en désigner des coupables tout trouvés, sans autre forme de procès. En l’occurrence les entités chargées de l’assainissement de la ville… ou alors les autorités communales, constamment taxées de manquements à leurs missions. Il faut pourtant comprendre qu’on pourrait bien mettre à leur place des magiciens qui seraient capables de faire disparaître d’un seul coup de baguette les immondices jonchant les canaux… que cela n’y changerait absolument rien tant que l’incivisme perdurera. Il ne s’agit pas de prôner une dé­marche moralisatrice mais d’aboutir à une véritable prise de conscience de chacun sur le fait que la population tananarivienne vit sur une mine d’ordures gisant dans les canaux… ses propres ordures. Et qu’un changement de comportement lui épargnerait bien des maux tels que ces inondations périodiques, ainsi que les maladies épidémi­ques qui en découlent.

N.R.

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