Mercredi des idées en goguette: Histoires d’eaux

C’est la grisaille. La météo fait des siennes depuis plusieurs jours, plus précisément de­puis l’apparition de la perturbation dénommée Cheneso. Alors, celle-ci ne restera sans doute pas dans les annales pour la puissance des rafales de vents qu’elle a drainées, mais sa dangerosité et sa potentiel destructeur n’en sont pour autant pas à minimiser. Et pour cause, voilà maintenant près d’une semaine qu’une grande partie de l’île est inondée, essentiellement dans les localités traversées par le système, avec parfois des bâ­tisses littéralement noyées et malheureusement des disparitions signalées et des pertes en vies humaines.
De surcroît, revigoré par les eaux du Ca­nal du Mozambique, le cataclysme a repris du poil de la bête et s’est de nouveau mué en tempête tropicale. Et si le service de la météorologie ne prévoit en aucun cas un retour en zone, il n’en demeure pas moins que de nombreuses ré­gions du littoral Ouest du pays risquent une nouvelle fois de connaître un taux de pluviométrie bien au-delà de la normale. Et même dans le Sud, le pays des extrêmes en termes de conditions climatiques, où l’eau fait cruellement défaut en général, il est déjà arrivé il y a à peine quelques jours que le
climat aride laisse place à de véritables déluges. Dans les villes, les images de quartiers entiers noyés dans une mare douteuse, de piétons contraints d’y barboter, de véhicules et motos en rade, de charrettes qui s’improvisent en moyens de transport… font partie des scènes de vie quotidienne des habitants de la capitale chaque fois qu’il pleut un peu plus que la normale. Et puis, les problèmes de gestion de l’eau revêtent de multiples facettes, entre autres l’approvisionnement en eau potable, et les annonces de coupures d’eau n’ont pas discontinué ces derniers jours alors que la période d’étiage est passée depuis belle lurette.
Il ressort de ces destins divers que le pays fait clairement face à quelques soucis au niveau de la maîtrise des eaux. Et ce, depuis toujours.

Routes en souffrance

Mais Cheneso a principalement laissé et laissera encore visiblement de profondes cicatrices au niveau des infrastructures routières en y creusant de larges sillons ou en y provoquant des éboulements, à tel point que de certaines routes nationales en sont devenues impraticables. En­core heureux que dernier conseil des ministres ait décrété une autorisation d’engagement préalable au vu de l’état de détérioration avancé de ces infrastructures, même si les principales concernées sont des routes nationales primaires, secondaires et temporaires.
En tout cas, l’urgence de la situation interpelle. Le réseau routier était, en temps normal, déjà en lambeaux et s’est dégradé considérablement ces dernières années, parallèlement, coïncidence ou non, à la longue grève des stations de pesage et la gabegie qui s’en est suivie sur les routes. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois, pour parler d’un cas particulier que constitue la RN2, que des usagers de cet axe manifestent leur mécontentement pour en dénoncer le délabrement et les difficultés auxquelles ils doivent faire face dans l’accomplissement de leur travail et le surplus de dépenses qu’ils doivent consentir en raison de l’usure accélérée de leurs véhicules. Sans qu’il soit question d’exonérer les responsables des travaux publics successifs de leurs défaillances, l’accent doit être mis sur cette faculté de certains usagers de ne jamais se sentir responsable de quoi que ce soit, parce qu’ils “paient déjà des impôts” et que tout in­combe à ceux qu’ils ont élus. On ne compte plus les vols de ferrailles et matériaux en fonte tels que les plaques d’égouts, ainsi que les éléments de signalisation routière comme les feux tricolores qui ont disparu des rues d’Antananarivo dans les années 80.
L’essentiel des routes existant au pays date de l’époque coloniale et, depuis, il ne s’en est pratiquement pas construit de nouvelles. Les débats autour du Fonds routier et ses ressources, en l’occurrence les redevances d’entretien routier, ou encore les taxes pétrolières ont longtemps ralenti sinon laissé traîner les choses. Les réhabilitations de routes ont en­glouti des centaines voire des milliers de milliards d’ariary sans que celles-ci aient dé­bou­ché sur des résultats suffisamment durables, tandis que certains axes ont été littéralement laissés à l’abandon depuis des dizaines d’années. Dans son actuelle course aux infrastructures, le régime en place semble en avoir compris l’importance. Mais avec les différentes contraintes telles que le changement climatique et les catastrophes naturelles, de plus en plus fréquentes et violentes qui en dé­coulent, le temps est peut-être venu de passer à la vitesse supérieure.

N.R.

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