Le cordonnier est toujours mal chaussé

La crevette a toujours été l’un des produits phares que Ma­dagascar exporte. Et l’année 2022 s’est soldée par de bons résultats pour ce produit. Ainsi, la filière crevettière a multiplié par six sa contribution dans les caisses de l’Etat, avec 13,081 milliards de redevances pour les 3.332 tonnes exportées en 2022. Ce qui signifie que la hausse des ex­portations a été significative.
Bien évidemment, c’est avantageux pour l’économie nationale d’avoir des produits qui s’exportent bien. Et comme on peut l’apprécier, l’Etat en tire un très grand profit grâce aux redevances versées dans ses caisses. L’autre bénéfice non négligeable de ces exportations est la rentrée de devises suite au rapatriement des re­cettes d’exportation.
D’aucuns ignorent l’importance de ces recettes d’exportation pour l’économie nationale, mais toujours est-il que cette situation se réalise au détriment du marché local et plus précisément des consommateurs lo­caux. Ces derniers ne peuvent pas profiter des produits de très bonne qualité à moins de payer le prix fort. Et aujourd’hui, ces crevettes ne sont pas à la portée de toutes les bourses.
En effet, il est plus avantageux pour le producteur d’exporter ses produits que de les ven­dre sur le marché local. En fin de compte, ce sont les seuls non exportables qui sont vendus sur les marchés locaux, autrement dit des produits de qualité moindre par rapport à ceux exportés. Les con­sommateurs locaux doivent donc s’en satisfaire.
Cette situation s’explique par le fait que les produits exportés doivent présenter une qualité sans faille, autrement ils ne perceront jamais au niveau des marchés internationaux. C’est la loi du marché et la con­currence est rude au niveau international. La moindre dérogation aux normes internationales peut être fatale pour les produits d’exportation.
Ce ne sont pas seulement les crevettes qui se trouvent dans cette situation. Beaucoup d’autres produits sont concernés. A force d’être exploités en vue de leurs exportations, certains produits ont même tendance à disparaitre des étals des marchés de la place. Ce fut le cas des crabes de mangrove qui sont principalement destinés au marché chinois.
On sait trop bien les besoins du marché chinois qui peut absorber d’énormes quantités de produits. La demande a été tellement forte que c’est presque toute la filière qui en a souffert. En fin de compte, les consommateurs locaux friands de ce produit ont dû se contenter de quel­ques faméliques crabes sur leur table. Comme on le dit, le cordonnier est toujours mal chaussé.

Aimé Andrianina

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