Voici plus de trois ans que l’exploitation minière de Base Toliara est à l’arrêt. Le 6 novembre 2019, le gouvernement de Madagascar suspendait, en Conseil des ministres, le droit d’exercer une activité d’exploitation minière sur le gisement de Ranobe, au nord de Tuléar.
On se rappelle notamment de l’opposition de certaines communautés locales, qui avait abouti à l’incendie criminel des bureaux de Base en avril 2019, sur le site d’exploitation.
Depuis, des discussions se déroulent par épisode entre la maison mère, Base Ressources, et le gouvernement. Dans son récent rapport annuel sur 2022, la société australienne écrit : “L’activité locale reste suspendue, alors que Base Resources continue de dialoguer avec le gouvernement en ce qui concerne l’application du régime de la “loi sur les grands investissements miniers”, les conditions fiscales applicables au projet Toliara et la levée de la suspension de l’activité sur le terrain.”
Toujours selon le rapport annuel 2022, le projet a quand même coûté la bagatelle de 507 000 dollars à l’entreprise en 2022 et 272 000 en 2021, dans ses comptes. Sans compter les millions d’euros déjà investis depuis l’arrivée de la société en 2018, qui sont amortis sur plusieurs années.
Récemment, on a pu observer des frémissements médiatiques d’envie de reprise.
Les partisans et les opposants se déchirent sur des questions environnementales avant tout, comme le reflète le débat sur TV Plus Toliara, dans l’émission Don-dresaka, le 19 février dernier.
Mana Parfait, président de la plateforme des notables de Tuléar et partisan du projet : “Quand on fait face à ce genre d’exploitation. Nous sommes obligées d’opérer une étude d’impact environnemental. Les risques sont évalués. Si le projet a obtenu son permis environnemental en 2015 auprès de l’ONE, cela veut dire que les risques peuvent être maîtrisés. Tout ce qui se trouve à la surface doit être rasé car ce qu’on recherche est sous la terre, mais on a déjà étudié comment restituer ce qui sera rasé. C’est le devoir des exploitants et c’est prévu dans le cahier des charges. Mais ce rétablissement suppose une consultation publique. Du reste, tout se dégrade aux alentours de toute manière.”
Marcel Tsiamby, riverain à Benetsy, contre le projet base Tuléar au début mais soutient la reprise du projet à présent : “La déforestation existe, que ce soit avec ou sans base Tuléar. Les riverains se servent de la forêt pour faire du charbon.”
Solonarivo Léon Tsiazonaly, de l’association RGDV, qui conteste le projet :
“Personne n’est contre le développement, mais il faudrait que l’humain soit considéré avant toute chose. L’impact environnemental est considérable, 450 hectares de forêt devraient être détruits d’après les chiffres qui circulent. C’est dans cette forêt que les riverains se procurent des plantes médicinales. C’est un peu notre pharmacie à nous. En outre, on sait que quand il n’y a pas de forêt, il n’y aura pas de pluie, et en l’absence de précipitation, il n’y aura pas de récolte, et dans ce cas, l’inflation sera galopante.”
Fanampera Rodney Rehosy, membre de la FIMA : “Les conditions se dégradent déjà à cause des aléas climatiques et on va en rajouter avec Base Tuléar ? Les restitutions environnementales après l’exploitation ne sont jamais concrétisées sur le terrain.”
Autre argument contre le projet, la pollution des sols. Pourtant, nul part dans le processus d’extraction et de traitement local de l’ilménite, du zircon et de la monazite, ne figure l’emploi de produits chimiques polluants. A la différence d’Ambatovy par exemple, qui fonctionne dans la région de Moramanga et Tamatave sans rencontrer d’opposition environnementale bloquante, depuis des années.
Une autre source jointe par Les Nouvelles dépasse ces débats sur les problèmes environnementaux. “C’est le permis minier qui pose problème. Son acquisition ne s’est pas faite dans de bonnes conditions, et c’est ce qui bloque le projet aujourd’hui.”
Pour comprendre, il faut remonter à l’acquisition du permis d’exploitation en 2012, par la précédente entreprise intéressée par le gisement, Toliara Sands. C’est cette “transaction” qui aurait été montée sur des bases juridiques peu claires.
Base Ressources a racheté le capital de Toliara Sands en 2018 -seul moyen “d’obtenir”, en quelque sorte, un permis minier alors que la délivrance de tous les permis est suspendue depuis 2009. Et aujourd’hui, Base Ressources récolterait les fruits de la mauvaise acquisition du permis de 2012, numéroté 37242.
Ces bases juridiques fragiles empêcheraient, par exemple, aujourd’hui Base Toliara d’aller devant des tribunaux internationaux pour faire valoir son bon droit d’exploiter le gisement et forcer l’Etat malagasy à débloquer la situation. En clair, l’entreprise saurait qu’elle est en partie en tort et ne voudrait pas envenimer la situation. Elle se concentre pour le moment sur le développement de son exploitation “Kwale Mineral Sands Mine” au Kenya.
Tiana Ramanoelina et Emre Sari