Une de plus. Le FMI a validé une nouvelle tranche de crédit, le 2 mars, dans le cadre du programme de prêt intitulé “Facilité élargie de crédit”.
“L’achèvement de la revue permet le décaissement de 24,44 millions de DTS (environ 32,6 millions de dollars US), utilisables pour de l’appui budgétaire, portant le total des décaissements de Madagascar au titre de l’accord à 146,6 millions de DTS (environ 195,5 millions de dollars US)”, résume l’institution.
Mais il y a un paradoxe. Les indicateurs macroéconomiques de Madagascar sont bons ou du moins pas trop mauvais en comparaison du reste du monde.
Le FMI anticipe une croissance de 4,2% en 2023, avec une inflation aux alentours de 10%, soit un chiffre dans la moyenne de nombreux pays. L’endettement du pays n’atteint que 57,1% du PIB en 2022 et devrait même baisser à 53,1% en 2023. Une baisse qu’aimeraient connaître de nombreux pays développés.
Les réserves de change sont passées de 1 630 millions de DTS, soit 5,8 mois d’importations, en 2021, à 1 601 (4,3 mois) en 2022, et devraient encore descendre à 1 523 (3,7 mois) en 2023. Une baisse, certes, mais loin d’être catastrophique et qui reflète les interventions de la banque centrale pour stabiliser l’ariary dans un contexte international tendu, inflationniste, avec de fortes variations sur les marchés financiers et dans les cours des matières premières.
Mais dans le même temps, le “kere”, la famine, touche de nouvelles régions, le taux de pauvreté ne baisse pas et stagne aux alentours de 80% de la population (à moins de 1,9 dollars par jour) et le climat des affaires ne rassure pas les investisseurs.
Il faut d’abord prendre avec prudence le chiffre de l’inflation. Le coût de la vie courante -le chiffre qui concerne la très grande majorité des Malgaches-, augmente beaucoup plus vite que 10% par an. Le prix du riz a plus que doublé en 4 ans, passant de 1 500 ariary à 3 000 ariary le kilogramme, soit plus de 25% de hausse par an.
En outre, l’investissement privé a tendance à baisser en ce moment. “C’est tout à fait logique en cette période, décrypte Andriatahina Rakotoarisoa, économiste. Il y a tout d’abord le climat sociopolitique. Madagascar est un pays qui n’a pas de stabilité politique.” De plus, la période électorale qui a déjà commencé fait peser un risque plus important sur la stabilité politique dans les prochains mois.
“Il y a aussi des anomalies avec les finances publiques car des changements avec les taxes et impôts peuvent survenir à tout moment”, ajoute l’économiste. On peut prendre l’exemple des taxes de 15% à 20% sur les exportations de minerais et de pierre qui ont été ajoutées dans la dernière loi de finance (Les Nouvelles du 3 mars 2023). Taxes qui déstabilisent tout le secteur et pénalisent in fine les exploitants de brousse qui perdent leurs acheteurs, qui eux-mêmes ne peuvent plus exporter en restant rentable.
Andriatahina Rakotoarisoa met aussi en cause la politisation de l’économie. “Prenons par exemple le cas de Base Tuléar, les débats deviennent politiques alors que le fond est plutôt économique car le projet générerait des milliers d’emplois”, indique-t-il.
Dans sa revue, l’institution de Bretton Woods demande aussi plus de lutte contre la corruption et plus de moyens aux institutions en charge. Des signaux qui pourraient rassurer le secteur privé. “Les autorités malagasy ont mis en œuvre plusieurs recommandations de politiques clés, mais des réformes ambitieuses restent entravées par des capacités limitées et une gouvernance faible”, ajoute le FMI.
Le FMI met aussi en cause des causes extérieures. “Dans un environnement mondial défavorable et à la suite d’une série de chocs climatiques, la performance de Madagascar dans le cadre du programme appuyé par le FMI a été mitigée.”
Quelles perspectives pour le FMI ? “Les risques liés à la situation politique intérieure, les faibles taux de vaccination contre le COVID et les évolutions mondiales défavorables assombrissent les perspectives”, annonce le FMI.
On peut se demander, quand même, pourquoi le faible taux de vaccination Covid viendrait assombrir les perspectives de Madagascar puisque les pays riches sont vaccinés mais que le virus circule énormément chez eux.
Emre Sari et Tiana Ramanoelina