Qu’est-ce qui se passe ? Que sommes-nous devenus ? Sommes-nous tombés bien bas pour ne plus avoir aucune considération pour la vie humaine ? C’est la question que l’on se pose quand on apprend que, suite à une vindicte populaire, deux personnes ont perdu leur vie pour avoir volé dans un champ, quelques racines de patates douces et de manioc.
Certes, c’était bien des cas de flagrant délit et les villageois n’ont pas hésité à rouer de coups les auteurs de ces larcins. Mais finalement, les coups étaient fatals car les deux voleurs y ont perdu leur vie. Voilà, le mot est lancé : Ce n’était qu’un simple larcin. Bien entendu, certains vont rétorquer : « Qui vole un œuf, vole un bœuf ». Mais cela valait-il le coup d’ôter la vie à quelqu’un ?
Dans toute chose, il faut un minimum de discernement. Quelques racines de manioc ou de patates douces valent elles plus que la vie d’un homme ? Et même, s’il s’agissait de deux ou de trois sacs, voire plus, la même question se poserait toujours. Rien ne pourra justifier de tels actes qui relèvent d’une véritable barbarie. On ne peut pas qualifier autrement ces actes.
D’autant plus que nul n’ignore que les vindictes populaires sont punies par la loi. Il faut donc que les responsables de ces morts d’hommes répondent de leurs actes. Il aurait suffi de remettre les deux coupables entre les mains des représentants de l’ordre public. On peut espérer que l’enquête qui s’ensuivra identifiera qui sont les responsables ayant participé à cette tuerie.
Ce qui pourrait nous révolter encore plus est le fait que tout le monde est au courant de la situation aujourd’hui. Dans de nombreuses régions, beaucoup de familles n’ont rien à manger. Et la famine est capable d’amener les personnes qui en souffrent à accomplir des actes qui seraient incompréhensibles en temps normal. On peut bien croire que ces deux personnes avaient leur famille respective à nourrir.
Ici, il ne s’agit pas d’acte de banditisme mais de survie. Les auteurs de ces actes n’ont certainement pas eu l’intention de nuire physiquement à qui que ce soit. De toutes les façons, on aurait toujours pu trouver une solution pour punir les deux voleurs autrement que leur mise à mort. Entres autres, les forcer
à travailler dans les champs pendant un certain délai en contrepartie du préjudice qu’ils ont occasionné.
Sans avoir aucunement l’idée de défendre les voleurs, il faut considérer que dans toutes les situations, il faut toujours faire la part des choses. Tout compte fait, le « fihavanana » qui était si cher à nos ancêtres et qui est ressassé à tout bout de champs, n’a plus aucun sens dans la société malgache actuelle. Ce n’est plus qu’une coquille vide dont l’on s’en sert pour défendre ses propres intérêts.
Aimé Andrianina