Mercredi des idées en goguette: En saignement supérieur

Ce n’était visiblement ni la première ni la dernière fois, les étudiants de Vontovorona sont une nouvelle fois descendus dans les rues pour réclamer le paiement des arriérés des allocations boursières. Mais c’est bien la première fois qu’un numéro un de l’université d’Antananarivo décrète la fermeture du campus et ordonne l’évacuation des lieux. Mal lui en a pris visiblement, sa dé­cision étant clouée au pilori, lui valant l’ire de l’ensemble des associations estudiantines de l’université, ainsi que le désaveu de son supérieur hiérarchique, en l’occurrence la ministre de l’Enseignement supérieur.

Etait-ce la mesure idoine ? Pour certains, dont particulièrement, bien entendu, les détracteurs du régime, non. Pour d’autres, son oppor­tunité ne fait aucun doute, de même que les décisions corollaires tels que la convocation des concernés, sachant que les comportements affichés dépassent le simple cadre d’une manifestation estudiantine, voire de la loi tout court. Dans tous les cas, il y a le risque que ce désaccord entre les res­ponsables de l’enseignement supérieur à Mada­gascar crée un précédent dès lors qu’en remettant le numéro un de l’université à sa place, le département responsable s’est positionné du côté des étudiants… ou des manifestants, c’est selon. L’his­toire le dira mais à espérer que ce ne soit pas une porte ouverte à tous les débordements et l’impunité.

Quoiqu’il en soit, à chaque retard de paiement d’allocations, la di­gitalisation revient sans cesse au centre des discussions. Comme pour tout recensement, enregistrement ou toute ini­tiative de modernisation enclenchée, le chantier est énorme, quand on sait que pratiquement rien n’a été fait jusque-là et que le pays est en retard de plusieurs décennies à ce niveau. Le processus est sans nul doute à accélérer ou à améliorer mais ne doit pas s’arrêter dans la mesure où il s’agit d’assainir le secteur de ces fantômes qui ne sont ni inscrits ni n’assistent à aucun cours et qui perçoivent pourtant une bourse ou jouissent d’un logement dans les cités universitaires. Il s’agira de stopper l’hémorragie fi­nancière que subit l’enseignement supérieur de­puis de nombreuses an­nées.

Respect mutuel

Force est pourtant de constater que de tous les secteurs et domaines existant, les effervescences sont davantage marquées et plus récurrentes au sein de l’enseignement supérieur. Les acteurs des universités demeurent à l’heure actuelle les plus prompts à se mettre en grève, alors que les an­nées universitaires ont déjà été considérablement chamboulées par de précédentes grèves et la sus­pension des cours en raison de l’épidémie de co­ronavirus. Principale­ment pour des raisons pécuniaires telles que, encore une fois, le non-paiement des bourses d’études ou alors d’indemnités des enseignants ou des membres du personnel administratif. Pratiquement toutes les universités des régions ont connu des troubles à un moment ou à un autre, à croire qu’il s’agit d’un mouvement coordonné. Et si ce ne sont les retards dus au processus de recensement des étudiants et de digitalisation des listes des ins­crits, il est déjà arrivé que les motifs soient bien nébuleux dès lors que le département responsable déclare avoir, dans certains cas, déjà envoyé le budget nécessaire pour le paiement de telle ou telle allocation.

Il s’avère plus que dommage que dans la forme, les revendications deviennent de plus en plus musclées que les fois précédentes, basculant parfois dans des actes de violence et de vandalisme pour le moins inconcevables. C’est ainsi que des personnes travaillant là où se forme normalement l’élite du pays incendient parfois des véhicules pour une histoire d’indemnité et que des normaliens trouvent a priori désormais normal de brûler des pneus sur la voie publique pour obstruer la circulation. Droit de grève et liberté d’expression
et de manifestation, oui, mais une liberté qui s’arrête là où normalement commence celle des autres que certains prennent volontiers en otage quand ils manquent de moyen de pression. Entre franchise universitaire et vie de la population, le res­pect doit aller dans les deux sens. Les plus nostalgiques des politiques aiment certainement toujours à se remémorer les grève estudiantines de 1972 et à penser que c’est par cette voie que se font et se défont les régimes. Ce n’est certainement pas pour déplaire à une frange de l’opposition qui a d’ailleurs déjà réclamé
la démission de celui en place. Tout comme la pauvreté, les difficultés sociales et les autres problématiques du moment peuvent servir d’arguments ou de moyen de manipulation.

N.R.

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