Un travail de titan

Les Malagasy sont très attachés à leurs biens, leurs propriétés, qu’il s’agisse de terrains ou autres biens immobiliers. Par exemple, dans certains en­droits, même en roulant en voiture, il arrive qu’on ne rencontre pas une âme qui vive pendant des heures. Mais dès que vous vous ar­rêtez et sortez une bêche pour l’enfoncer dans le sol, aux premiers coups, comme par hasard, il y a toujours quelqu’un, sorti de nulle part, pour vous dire que cette portion de terrain lui appartient.
Mais ce qui étonne, c’est de les voir peu pressés de légaliser cette propriété. En ef­fet, quand vous leur demandez de montrer les preuves légales de cette propriété, bien rares sont ceux qui sont capables d’en fournir. Selon les estimations de la Banque mondiale, sur les plus 10 millions de parcelles foncières qui existent à Madagascar, seulement 20% sont sé­curisées et immatriculées. Pour le grand reste, le droit de propriété se fonde sur la reconnaissance de fait de tout le village et cela de génération en génération.
Et cela est à l’origine des nombreux litiges fonciers qui remplissent les tribunaux partout à Madagascar. Quand un promoteur immobilier constate qu’un terrain qui conviendrait bien à son projet immobilier est encore libre de toute propriété, logiquement il va en faire la demande d’acquisition légale, considérant que tous ceux qui y sont déjà installés sont des occupants illégaux. Il pourra alors procéder à leur expulsion en toute légalité, sans considération aucune de l’ancienneté de l’occupation.
Bien sûr, il y a ceux qui voudront bien inscrire ces biens fonciers en leur nom mais ne peuvent pas le faire pour de nombreuses raisons (occupations non légales…). Mais qu’on le veuille ou non, beaucoup estiment encore que la simple occupation depuis des générations suffit pour faire valoir leurs droits, donc leur conférant le droit de propriété. Pour ceux-là donc, c’est la loi qui doit se conformer à leurs us et coutumes. Quoi qu’il en soit, cela montre une certaine volonté de refus de la loi en vigueur.
Et cela se constate également au niveau des permis de construire, notamment dans la capitale. Effectivement, le maire de la Commune urbaine d’Antananarivo a déploré qu’environ trois quarts des constructions à Antanana­rivo ne disposent pas de permis de construire. Pourtant la disposition d’un tel permis est obligatoire avant de débuter n’importe quelle construction. Mais apparemment, les gens ne s’en soucient guère.
Il est certain que toutes ces constructions illégales ne permettent pas à la Commune de se projeter en termes de fiscalité et donc de prévoir les investissements que l’on pourra réaliser pour le bien de la communauté avec tous les impôts susceptibles d’être recouvrés. Si l’on veut y arriver, il faudra alors recenser une à une toutes les constructions qui ne sont pas en possession d’un permis de construire en bonne et due forme. C’est un travail de titan qui attend
la Commune.

Aimé Andrianina

Partager sur: