Dans cet entretien inédit avec Les Nouvelles, le président du syndicat des industries de Madagascar (SIM) dresse un constat de la situation des industries et propose des solutions pour remédier aux problèmes, notamment le décret d’application de la loi pour le développement industriel et la taxation intelligente.
Quelles seront les actions prioritaires du SIM durant votre mandat ?
Ce qui est important, c’est de redonner au SIM son poids. Cela s’avèrera très utile pour améliorer la situation de l’industrie à Madagascar. Les membres doivent être aidés dans tout ce qui est investissement et attaque du marché. Si le SIM a suffisamment de poids, il peut négocier avec le gouvernement, les partenaires techniques et financiers et pourra même être en relation avec d’autres groupements à l’étranger pour mieux rayonner.
Quelle est la place de l’industrie dans l’économie malagasy ?
Au moment où l’on parle, l’industrie ne représente que 15% du PIB. C’est en contradiction par rapport au fait que Madagascar regorge de ressources et de matières premières. Prenons le cas de l’agribusiness, nous avons les terrains arables et fertiles. Pareillement dans le secteur minier, on peut transformer sur place mais tout s’exporte et il n’y a aucune valeur ajoutée à Madagascar. Normalement, la contribution de l’industrie au Produit intérieur brut devrait dépasser les 50% ou 60%. La vision de l’Etat est de faire en sorte que celle-ci soit de l’ordre de 25% d’ici 2030.
Qu’est-ce qui bloque l’épanouissement des industries ?
Il y a tout d’abord le problème lié aux infrastructures, on ne peut pas acheminer et transporter les matières premières si les routes font défaut. En outre, le fait que l’énergie reste un luxe, d’autant que le délestage a fait son grand retour depuis quelques jours. Il est impératif de régler ce problème à travers la concrétisation des projets de barrages hydroélectriques. Il faudrait aussi penser à développer les autres énergies renouvelables. Si tout cela est fait, les industries peuvent tourner sans problème. Déjà que le coût de l’énergie est très élevé et techniquement les délestages occasionnent des pertes pour les entreprises.
Il faut aussi penser à protéger le tissu industriel local, à travers la mise en place des règlementations en prenant exemple sur d’autres pays. Nous devons faire en sorte de ne pas être inondé par les produits importés. La capacité existant à Madagascar devrait suffire pour couvrir les besoins du marché intérieur. Pour sa part, l’industriel devrait innover, avoir une vision pour l’exportation et savoir profiter des coopérations qui existent : Comesa, SADC, ZLECAF, COI et autres.
C’est en janvier 2018 que le président de la République a promulgué la loi sur le développement industriel et nous attendons le décret d’application jusqu’à aujourd’hui. Nous avons récemment tenu une réunion avec le ministre en charge de l’industrie et avons soulevé la nécessité de ce décret qui prévoit la mise en place de la zone industrielle d’investissement, le fonds national pour le développement industriel. Ce décret est un vecteur pour développer l’industrie à Madagascar.
Etant donné le contexte actuel, quelles sont finalement les attentes des industrielles vis-à-vis de l’Etat ?
Dans l’immédiat, l’Etat doit prendre une décision par rapport à l’énergie, notamment la construction de barrages. Conformément à la loi de finances, il est évident que l’Etat est en quête d’un maximum de recettes, mais on devrait procéder à ce qu’on appelle taxation intelligente. Ceux qui opèrent dans l’informel étant à plus de 75%, il faut d’abord penser à les intégrer dans le formel puis élargir l’assiette fiscale. Si l’on persiste à augmenter les taxes de ceux qui sont déjà dans le formel, cela ne fera qu’augmenter les coûts de revient alors que le pouvoir d’achat reste faible et les recettes qui devraient être encaissée par l’Etat ne cesseront de diminuer. On devrait plutôt relancer la consommation. Il faut trouver un mécanisme, si on augmente les taxes déjà existant, les chiffres d’affaires des sociétés vont baisser inexorablement.
Le fait d’adhérer à des zones de libre-échange profite-il réellement à Madagascar ?
Madagascar ne tire pas encore profit de tout cela, le pays ne fait que subir. On devrait par exemple être capable d’importer plus de des matières premières et non pas toujours des produits finis. Il faut qu’on soit capable de renverser cette tendance et exporter vers les membres de la SADC, de la COI, du Comesa. Et c’est d’autant plus triste, car cela se ressent même dans notre état d’esprit. On procède à des extensions au port de Toamasina pour mieux accueillir les produits importés alors qu’on doit faire le contraire, c’est-à-dire étendre notre port pour mieux exporter.
Tiana Ramanoelina