Tel un bulletin météo, la compagnie nationale d’eau et d’électricité (Jirama) annonce tous les jours les coupures dans plusieurs quartiers de la capitale. “Délestage” ou “panne technique”, qu’importe l’appellation, cela reste une “coupure” qui dure au minimum deux heures pour les abonnés, qui malgré tout, continuent de payer leur facture.
Les industries vivent mal les coupures répétitives de l’électricité, mais comme chaque année, elles ont appris à vivre avec. Tiana Rasamimanana, président du Syndicat des industries de Madagascar (SIM), indique que les industries ont rencontré ces derniers temps des difficultés dans la gestion du personnel. En effet, selon les explications du président du SIM, une organisation a été mise en place dans les usines, de sorte que les employés ne travaillent pas durant les heures de coupure. Cette organisation permettrait de diminuer les coûts de production, selon ses explications. Pourtant, cette nouvelle organisation qui devrait alléger les industries se retrouverait chamboulée par le manque de précision de la Jirama. “La Jirama a fait des efforts pour nous communiquer les heures de coupure selon les zones concernées, ce qui est bien. Mais le souci est qu’elle ne respecte pas les horaires qu’elle nous communique, ce qui fait que les employés peuvent venir, alors que l’électricité fait défaut, ou bien ne sont pas présents alors qu’il n’y a pas de coupure”, regrette le président du SIM.
Cette situation mécontente le secteur privé, d’autant plus que les industries dites sensibles ne bénéficient pas encore du tarif préférentiel prévu dans la nouvelle tarification Optima business. Ce tarif préférentiel permettra aux industries sensibles, comme le textile, de bénéficier d’une hausse de 40% au lieu de 80% sur leur facture, ce qui fait plus de charge pour moins de satisfaction. A en croire les explications de Tiana Rasamimanana, même si la décision d’appliquer le tarif a été validée en conseil des ministres en avril, des négociations continuent en coulisse. “Des discussions sont menées actuellement avec la Jirama concernant ce tarif préférentiel, étant donné qu’il y a des désaccords sur plusieurs points concernant ce sujet. Néanmoins, nous espérons que ce tarif sera appliqué prochainement étant donné qu’il nous aidera à réduire considérablement le coût de la production et de ce fait, garantir un meilleur pouvoir d’achat aux citoyens”, indique encore le président du SIM.
Le délestage constitue une perte incommensurable pour les autres entreprises. A commencer par les entreprises qui œuvrent dans la restauration et l’hôtellerie. L’offre de l’électricité existant ne suffit pas à ce secteur d’activité car il faut toujours prévoir un groupe électrogène pour compenser ces coupures. “Cela nécessite des charges d’entretien et bien entendu l’achat et le stockage de carburant” soulève Johann Pless, président de la fédération des hôteliers et restaurateurs de Madagascar (Fhorm). “J’ajouterai à cela que les provinces ne reçoivent que peu d’électricité, et la plupart des hôteliers restaurateurs sont obligés de fonctionner soit au solaire ou grâce à leur propre production en thermique, sauf ceux qui sont dans quelques grandes villes”, ajoute-t-il.
Un effet extrêmement néfaste
“La plupart des délestages se produisent lors du pic de demande d’énergie, c’est-à-dire aux alentours de midi et vers 18h00. C’est bien entendu là que la restauration et l’hôtellerie fonctionnent le plus”, soupire le président de la Fhorm. Les délestages ont un effet extrêmement néfaste sur l’activité des restaurants pour ne parler que la conservation de la chaîne de froid. Il est extrêmement dangereux d’avoir à couper les moteurs de frigidaire et de congélateur régulièrement. “C’est un réel problème pour la compétitivité et l’affluence dans les restaurants. D’autre part, quand c’est le soir, on peut aussi voir que l’affluence baisse étant donné qu’il y a un problème de sécurité au moment où les délestages surviennent et que les gens ne sortent pas ou ne rentrent pas chez eux par peur de la sécurité” poursuit-il.
Ensuite, au niveau de la durée, la coupure intervient en moyenne deux heures à Antananarivo, c’est-à-dire sur le réseau interconnecté d’Antananarivo. La situation est plus grave dans les autres provinces comme Toliara où le délestage dure entre 8 à 16 heures et à Mahajanga qui souffre parfois de coupures de plus de 12 heures. Dans les provinces, l’électricité n’est en général disponible que quand les gens n’en ont pas besoin, c’est-à-dire au milieu de la nuit.
En attendant la mise en service des projets comme Sahofika, la situation empire et les abonnés de la Jirama n’est pas au bout leur surprise. “Lors de la dernière réunion que nous avons eue avec le conseil d’administration de la Jirama, il a été annoncé que l’équilibre budgétaire de la Jirama n’était toujours pas atteint. Et que donc une autre augmentation devra être appliquée et sera supportée par les différents opérateurs et éventuellement par les ménages aussi (…) C’est une situation quelque peu compliquée pour nous financièrement parce que cela touche directement à la compétitivité. Ce n’est pas seulement l’électricité qui va augmenter mais l’eau aussi”, confie une source avisée, proche du dossier.
“Il est aussi à noter aussi que le domaine de l’hôtellerie et la restauration a été le plus touché pendant la crise sanitaire et, aujourd’hui, la trésorerie de la plupart des acteurs de la filière ne permet pas de pouvoir acquérir de grands groupes électrogènes, d’acheter du carburant. On souhaiterait effectivement que des efforts soient faits au niveau de la production et de la distribution de la Jirama”, conclut Johann Pless.
D’après les statistiques de 2017, la puissance opérationnelle à Madagascar à cette époque était de 400 mégawatts et le taux d’accès à l’électricité était de 15 %. La part de thermique dans la production d’électricité était entre 65 à 67 % par rapport aux énergies renouvelables. D’après les experts en énergie, c’est le solaire qui va augmenter en partant de 2% en 2017 pour arriver jusqu’à 20% en 2023. Le pourcentage augmente donc effectivement mais le volume ne serait pas significatif. “Nous aurons environ entre 100 et 200 mégawatts. A la fin 2023 et en pourcentage, la part du thermique va diminuer et celle des énergies renouvelables augmentera”, estime-t-on.
Tiana Ramanoelina et
Nambinina