Les délestages reviennent à la charge et les responsables de la compagnie nationale
se donnent quelques jours pour un « retour à la normale » de l’approvisionnement en électricité. Mais pour combien de temps ? Car il en va ainsi ces derniers temps : quelle que soit la saison, les délestages se répartissent désormais en épisodes de climax d’environ une à deux semaines, suivies d’un temps d’accalmie, pour revenir de plus belle, plus intempestivement et durablement. Bref, à côté, la devise olympique n’est rien. Et les cycles semblent de plus en plus courts. Plusieurs motifs sont avancés pour expliquer ces coupures organisées mais il est certain que le principal reste l’insuffisance de carburant faisant fonctionner les unités de production d’électricité.
Qu’est-ce que les délestages ont-ils de commun avec le Covid-19 ? Comme au temps fort de l’épidémie, le secteur économique est grippé, se retrouve obligé d’aménager, sinon limiter son temps de travail. Bien malgré lui. Il n’y a pourtant ni confinement ni restriction sanitaire, mais ce sont presque les mêmes effets. Le secteur privé a déjà beaucoup consenti, en acceptant notamment de rationner sa consommation quand le gap de production d’électricité était à son comble il y a quelques mois. Sans compter une inévitable hausse des tarifs pour les entreprises et les industriels. Les petites entreprises, travailleurs indépendants et autres artisans, eux, paient déjà le prix fort de ne pouvoir correctement exercer leur métier pour vivre décemment. Comment sont censés vivre la petite coiffure, l’atelier d’ouvrage métallique ou encore le cybercafé du coin ?
Cela ne fait plus de mystère : la compagnie nationale est en difficulté. Les chiffres publiés sur le gap et les pertes annuels laissent pensif. Et pour en arriver à un recours aux bons du Trésor par adjudication, système permettant de consentir un prêt à l’Etat, c’est que la situation est d’une certaine gravité. A quel point ? Cela se mesurera à l’aune de la survenance, la fréquence et de la durée des éventuels futurs délestages.
Oppositions
Le déficit énergétique semble donc de plus en plus prononcé et a propension à créer des foyers de tension parmi la population. Et pour cause, les manifestations anti-délestages se sont multipliées dans un certain nombre de quartiers depuis quelques jours, avec essentiellement des habitants brûlant des pneus sur la chaussée. Ces faits font encore évidemment grand bruit sur les réseaux sociaux.
La réalité est telle qu’une grande majorité des unités de production d’électricité du pays tournent encore au carburant. Mais qu’il s’agisse de fuel lourd ou de gasoil, cela fait des années que l’on parle de mix ou de transition énergétique pour que l’on exploite enfin, en back-up ou alors en principal, toutes les ressources dont dispose le pays en matière d’énergies renouvelables. Les intentions d’aller dans ce sens ont été déjà annoncées mais sans doute serait-il temps d’accélérer les initiatives prévues à ce niveau. En attendant, défaillances techniques ou manque de fonds, ces lacunes dans la gestion de l’approvisionnement en électricité mine non seulement la vie de la population, met à genoux les activités économiques, mais ont surtout vite fait de devenir du pain béni pour les opposants d’aujourd’hui qui n’ont pourtant guère
fait mieux quand ils étaient aux commandes du pays…
Accidents de la circulation qui ont connu des records, des attaques sur les routes et des multiples visages de l’insécurité, des épisodes de « kere », l’inflation quasi- géneralisée, ces coupures intempestives de l’approvisionnement en électricité et en eau… Quand tous ces épiphénomènes sont mis les uns à côté des autres, les choses deviennent de moins en moins évidentes même pour les plus compréhensifs, et il devient plus facile pour une opposition de rallier des partisans. Une opposition qui carbure aux problèmes socioéconomiques. Les responsables du secteur de l’énergie devront vite trouver une parade. Dans l’intérêt de tout le monde.
N.R.