Médecin à la retraite et spécialiste en anthropologie résidant à l’étranger, Alice Philiberte Ranorojaona propose la « joroterapia », sa manière de guérir les patients en écoutant leur histoire et leur langage culturel. « Inspirée du mot malgache ‘‘joro’’ qui signifie ‘‘debout’’, la ‘‘joroterapia’’ permet au patient de ‘‘renaître’’ pour pouvoir continuer à mieux vivre », explique-t-elle. Au mois d’octobre, elle animera une conférence sur ce thème à La Réunion au profit des étudiants en quête du Diplôme universitaire en soins palliatifs. Interview…
(*) Les Nouvelles : Quand est-ce que vous avez eu l’idée de créer la « joroterapia » ?
(-) Alice Philiberte Ranorojaona : En 2008, pour mes 50 ans, j’ai réalisé mon rêve de traverser Madagascar à pied. J’ai commencé le voyage le 15 juillet 2008 à Ramena (Antsiranana), en passant par Ambanja, Antsohihy, Ambondromamy, Fihaonana, Miantso, Faratsiho, Sambaina, pour rejoindre la nationale 7, bifurquant à Ambohimahasoa pour arriver à Manakara. De là, j’ai pris la nationale 12 jusqu’à Taolagnaro que nous avons atteint avec mes amis, le 4 février 2009. Ainsi, j’ai rencontré de simples gens, des Ampanjaka… J’ai traversé des fleuves avec des tourbillons… Mon objectif était vraiment de connaître l’histoire des habitants, de découvrir leur culture… Et au fil du voyage, j’ai remarqué que nous avons tous un lien culturel commun : notre rapport aux ancêtres. Et c’est après ce voyage qu’est née la joroterapia devenue par la suite le sujet de ma thèse. Au début, j’étais réticente de faire une thèse, vue mon âge, mais j’ai pensé qu’il est aussi important de l’approfondir et de la partager.
*Comment se déroule la joroterapia ?
– Mon mari et moi sommes médecins. Dans notre pratique, nous étions confrontés régulièrement à des cas que la médecine n’arrivait pas à résoudre malgré toutes les avancées de la science. La joroterapia est un accompagnement à la fois physique, psychique, culturel et spirituel, important pour les patients affectés par les maladies qui peuvent paraître inexplicables. Beaucoup pensent être victimes de sorcellerie ou possédés par des esprits … mais parfois, leur maladie remonte à plusieurs générations précédentes, et viennent puiser leur source dans l’histoire et l’inconscient collectif familial. Ainsi, il est important de connaître sa propre histoire et sa culture. Mon objectif est de présenter comment chacun de nous peut surmonter ce « blocage » qui nécessite de finir le deuil de décès ou d’événements douloureux concernant différentes lignées de sa famille. Le but est d’amener la personne à devenir consciente de la problématique à laquelle elle est confrontée, et de l’accompagner à clôturer ce « deuil », afin qu’elle puisse écrire sa propre histoire et cesser d’être « téléguidée » par le pilotage automatique de l’inconscient collectif familial. Les Malgaches sont un peuple qui pratique encore les secondes funérailles, le famadihana. Cette coutume encore bien respectée actuellement et importante pour les familles malgaches, m’a inspirée dans la manière de terminer un deuil.
* Avez-vous déjà pratiqué cette « thérapie » auprès des malades étrangers ?
– Bien sûr que oui. Comme je disais, mon mari est aussi un médecin. Quelquefois, il rencontre des cas inexplicables malgré les analyses, les radios… et auxquels nous ne trouvons aucune solution dans la pratique médicale. Dans ce cas, il me les recommande. Et c’est la démarche de Joroterapia qui parvient à les guérir. Ce qui est encourageant jusqu’ici, c’est qu’ils ne récidivent pas.
Propos recueilli par Holy Danielle