Selon les données de l’Onusida, les nouvelles contaminations au VIH ont reculé de 38% dans le monde entre 2010 et 2022, passant de 2,3 millions à 1,2 million chez les adultes, âgés de 15 ans et plus. Les décès liés au Sida ont aussi connu une diminution significative, passant de 1,7 million en 2010 à 630 000 en 2022. 12 années de progrès inscrites dans les efforts de lutte contre l’épidémie dans le monde, grâce à une sensibilisation accrue, des programmes de prévention, et un meilleur accès aux soins de santé.
Cependant, un contraste frappant se dessine lorsqu’on se penche sur la situation à Madagascar. Les nouvelles contaminations au VIH ont augmenté de manière alarmante, enregistrant une hausse de 239% depuis 2010. Antananarivo figure en tête de liste en termes de taux de séropositivité. Beroroha, Vavatenina, Fenerive Est, Toamasina ou Mahajanga font également partie des endroits classés en tant que zone rouge, c’est-à-dire avec un taux de positivité élevé.
Cette tendance inquiétante suscite des préoccupations quant à la gestion de l’épidémie dans le pays. Le Dr Clarimond Raveloson, chargé de programme de l’Onusida pour Madagascar, Comores, Maurice et Seychelles, a partagé son expertise sur le sujet durant un exposé sur le Sida dans le monde du travail, à Toamasina. Il explique que plusieurs facteurs contribuent à cette réalité préoccupante. “Tout d’abord, il existe une véritable lacune en matière de prévention efficace. Dans les années 2002 et 2003, une campagne de grande envergure avait été lancée pour sensibiliser au danger mortel du VIH, avec des affiches visibles partout en ville. À l’heure actuelle, cette sensibilisation s’est considérablement réduite”, constate-t-il. La prévention du VIH repose sur l’éducation, la distribution de préservatifs, la promotion du dépistage, et la sensibilisation sur les pratiques sexuelles sécuritaires. “Malheureusement, ces mesures préventives ne sont pas aussi répandues ou accessibles qu’elles devraient l’être. De plus, le nombre limité d’associations et d’organisations dédiées à la lutte contre le VIH à Madagascar constitue un défi majeur”, souligne-t-il. Ces organisations jouent un rôle crucial dans la fourniture de services de prévention, de dépistage et de soutien aux personnes vivant avec le VIH. Leur rareté limite la portée des initiatives de prévention, ce qui, combiné au manque de sensibilisation, contribue à l’augmentation alarmante des cas de Sida dans la Grande île.
Le Dr Clarimond Raveloson soulève également le manque d’engagement des autorités locales. La lutte contre le VIH exige une coordination étroite entre les gouvernements, les organisations de la société civile et les acteurs de la Santé publique. L’absence d’un engagement fort au niveau local peut entraver la mise en œuvre efficace du programme de prévention et de traitement.
Impact socio-économique
L’Onusida indique également que Madagascar n’est pas le seul pays concerné par la hausse des contaminations au VIH. Elle note dans une de ses publications que “les Philippines, Madagascar, le Congo et le Soudan du Sud figurent parmi les pays qui ont enregistré les plus importantes augmentations du nombre de nouvelles infections au VIH depuis 2015. À l’opposé, l’Afrique du Sud, le Nigeria, l’Inde et la République unie de Tanzanie, ont enregistré des baisses parmi les plus flagrantes du nombre d’infections au VIH, même dans le contexte de la Covid-19 et d’autres crises.”
Selon cette organisation mondiale, cette situation provient de la conjonction de la crise de la Covid-19 et du conflit en Ukraine. Les pays les plus démunis font face à une dette qui équivaut à 171% de leurs dépenses combinées en santé, éducation et protection sociale, entravant leur capacité à lutter contre le VIH. De plus, le financement national pour la lutte contre le VIH diminue depuis deux ans dans les pays à revenu faible et intermédiaire. La guerre en Ukraine a également provoqué une forte hausse des prix des denrées alimentaires à l’échelle mondiale, aggravant l’insécurité alimentaire des personnes vivant avec le VIH et augmentant le risque d’interruptions de leur traitement.
L’Onusida note également qu’en 2021, “les ressources financières internationales disponibles pour la lutte contre le VIH étaient inférieures de 6% à celles de 2010. De plus, l’aide étrangère au développement pour le VIH fournie par des donateurs bilatéraux autres que les États-Unis a diminué de 57% au cours de la dernière décennie. Il manque actuellement 8 milliards de dollars pour répondre aux besoins de la lutte contre le VIH dans les pays à revenu faible et intermédiaire d’ici 2025.”
Cette situation n’est pas sans impact sur la croissance économique et le développement social. Le Docteur Clarimond Raveloson cite “la réduction de la main d’oeuvre, la perte de travailleurs qualifiés et expérimentés ou l’augmentation des coûts de production pour les employeurs liés notamment aux assurances maladie et à la necessité de former de nouveaux travailleurs parmis les impacts du Sida sur le plan économique et social. Cette situation peut également avoir un impact notoire sur le monde du travail, car il frappe le segment le plus productif de la main d’oeuvre, réduit les gains et accroît considérablement les dépenses des entreprises de tous les secteurs d’activité parce qu’il réduit la production,” soulève également le Dr Clarimond Raveloson.
Nambinina Jaozara