Liste grise GAFI: l’épée de Damoclès plane toujours au-dessus Madagascar

L’avant-projet de loi portant réglementation de la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement des actions terroristes a été adopté en Conseil des ministres en début octobre. En attendant une adoption au niveau du Parlement, cela suffira-t-il à la commission d’évaluation du Gafi pour trancher en faveur de la Grande île ?

Fin septembre, le secteur privé a lancé un avertissement aux autorités via un communiqué, mettant en lumière les conséquences redoutées de l’inclusion de Madagascar sur la liste grise ou noire du Groupe d’action financière (Gafi), l’organisme mondial de surveillance de la lutte contre le blanchiment des capitaux et du financement du terrorisme (LBC/FT). Début octobre, le texte portant réglementation de la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement des actions terroristes a été adopté en Conseil des ministres. Une avancée certes, mais qui reste à confirmer par le Parlement.

Or, l’Assemblée nationale, pourtant en pleine session ordinaire, a connu un long moment d’inactivité notamment en raison de l’élection présidentielle et la conjoncture politique. Après plusieurs semaines d’interruption, cette session a repris depuis lundi, avec une quarantaine de députés, soit moins d’un tiers des membres présents. A l’ordre du jour depuis mardi, le projet portant loi de finances pour 2024. Une lenteur qui est déplorée par le secteur privé, estimant que cette situation est un des facteurs de frein au développement. “Nous sommes aujourd’hui en fin novembre, l’avant-projet de loi n’a toujours pas été voté par l’Assemblée nationale. C’est le genre d’attitude que nous attendons des dirigeants : qu’ils soient conscients du véritable enjeu, et prennent des décisions rapidement parce qu’à ce rythme, nous n’irons pas loin”, déplore Thierry Rajaona, président du Groupement des entreprises de Madagascar (GEM) durant une interview.

En effet, selon Thierry Rajaona, même si Madagascar a fait des efforts en adoptant en conseil des ministres la loi portant réglementation de la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement des actions terroristes, le pays n’est pas totalement sorti de l’auberge. La menace plane toujours sur l’économie. Madagascar n’a respecté que quatre recommandations sur les 40 exigées par le Gafi. Un certain nombre de lois et réformes en profondeur sont donc attendues des autorités dans les mois à venir, ce qui n’est pas encore gagné pour le moment.

En octobre 2023, le Gafi a examiné 129 pays et juridictions et en a identifié publiquement 102, dont les régimes de LBC/FT sont faibles. “Parmi eux, 76 ont depuis lors effectué les réformes nécessaires pour remédier à leurs faiblesses en matière de LBC/FT et ont été retiré du processus”, note le groupe sur son site web. Madagascar court le risque d’être inclus dans deux catégories juridictionnelles délicates : les juridictions à haut risque faisant l’objet d’un appel à action, figurant sur la liste noire, et les juridictions soumises à une surveillance renforcée, présentes sur la liste grise.

Les sanctions sont une chose, mais c’est aussi et surtout pour l’image du pays que les conséquences d’une éventuelle inclusion de Madagascar sur la liste grise ou la liste noire sont autant redoutées. “Si demain, le pays tombait sur les sanctions du Gafi, ou était intégré dans la liste grise ou la liste noire, toutes nos relations financières internationales vont faire l’objet d’une analyse poussée de la part des établissements financiers. Cela risque de freiner considérablement les flux financiers et d’avoir un impact très négatif sur l’efficacité économique”, souligne le président du GEM. Cette situation pourrait encore affecter la capacité de Madagascar à attirer des investisseurs étrangers, déjà plombée par les problèmes persistants liés à l’énergie et aux infrastructures. “Un opérateur n’aura aucune envie d’investir dans un pays classé dans la liste grise. Il se tournera ailleurs, là où il y a moins de risque que son capital soit mélangé avec de l’argent blanchi ou de l’argent venant des divers trafics ou du commerce illicite. Dans le système financier international, il est impératif que tout l’argent qui circule soit traçable, et il faut que les fonds proviennent d’activités légales. C’est un vrai risque vis-à-vis de nos partenaires techniques et financiers. Madagascar risque gros dans l’attribution des aides budgétaires”, expose un membre de la société civile.

Nambinina Jaozara

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