Mentalités

La route est longue. Voire très longue à scruter les réactions de certains par rapport aux accidents de la circulation qui n’en finissent pas ces dernières semaines. Car pour ces personnes-là, elle est en mauvais état, d’où la recrudescence, une fois de plus, une fois de trop, des accidents, que ce soit dans les zones urbaines ou sur les routes nationales. On peut tout de même en douter quand certains surviennent sur des axes routiers de bonne qualité. D’autres invoquent même – il fallait s’y attendre – le sempiternel argument de la pauvreté, de la hausse des prix ou de la mauvaise qualité des pièces de rechange et des difficultés à entretenir les véhicules. Mais pour eux, jamais la responsabilité du conducteur ne devrait être mise dans la balance. Avec un rythme aussi soutenu, les accidents routiers pourraient avoir tué plus que les épidémies survenues au pays, faisant bien plus de morts que le choléra, la peste, le paludisme ou le coronavirus. Qu’à cela ne tienne, d’aucuns trouvent normal d’entretenir une certaine culture de l’irresponsabilité en rejetant la faute sur d’autres facteurs ou en déplaçant les débats. Certains taxibe s’apparentent à de véritables cercueils roulant à tombeaux ouverts et prenant les rues de la ville pour des circuits rallye, sans aucune considération pour les vies humaines qu’ils transportent.
Il est vrai qu’une certaine prise de conscience commence à s’opérer dès lors qu’une partie de l’opinion publique estime qu’il faudrait dorénavant que l’obtention des permis de con­duire dans le cadre des trans­ports publics soit assortie de l’obligation de disposer d’un certain niveau d’instruction pour le demandeur. Il est tout aussi évident que, pour que la gabegie règne toujours autant en maître sur les routes, les mesures de prévention ne sont pas assez coercitives et les sanctions pas suffisamment dissuasives.
Certains riaient sous cape à l’annonce du projet d’installation de GPS à bord des taxibe de la capitale, l’ob­jectif étant notamment de pouvoir contrôler la position, les déplacements et la vitesse à laquelle ils roulent. Maintenant, ils se rendent compte de l’opportunité de ce genre de système et la nécessité de l’étendre sur les zones régionales voire nationales.

Contradictions
Cela étant, les accidents ont cela de commun avec l’insécurité le fait qu’on ne sache jamais à l’avance où ils vont se produire, à moins de déployer des agents de circulation de la police et de la gendarmerie à chaque coin de rue et chaque mètre de route de l’île afin de débusquer tous ceux qui ont le pied lourd sur l’accélérateur. Mais c’est là qu’intervient le principe de prudence, le mi­nimum requis dès que l’on s’engage sur la voie publi­que. Bref, un effort venant de tout un chacun, selon la formule consacrée.
La route est également longue mais cette fois pour le développement, particulièrement des mentalités. Sans préjuger ni tenir compte des couleurs politiques des dirigeants en place, ces derniers affichent une volonté de construire des infrastructures. Mais une volonté qui se heurte parfois à des réactions pour le moins étonnantes.
Il en est ainsi de ces quelques étudiants qui s’opposent à la mise en place d’un Centre de santé dans un quartier, arguant qu’il s’agit d’un terrain appartenant à l’université et qu’il ne dev­rait en aucun cas accueillir d’autre infrastructure que des logements estudiantins. Plus royalistes que le roi, et alors que des extensions sont en cours dans les cités universitaires, sans doute ont-ils décidé d’élire domicile éternellement dans les cités universitaires, ou pensent-ils être devenus les propriétaires des lieux.
Ce n’est d’ailleurs pas sans rappeler les réticences des habitants d’une localité initialement choisie pour la mise en place du projet Tana Masoandro qu’Imerintsiato­sika accueillera désormais. On pourra toujours ironiser sur le fait d’avoir créé un département des nouvelles villes pour rien, mais s’il fallait uniquement compter sur des réactions contre-productives de ce genre, aucune ne verrait le jour. Même comportement au niveau du nouveau marché de Behori­rika dans lequel certains marchands rechignent à s’installer, préférant occuper quelques centimètres en carton dans les rues plutôt que de profiter d’une infrastructure aux normes. Mainte­nant que l’argument de la taille de l’emplacement ne tient définitivement plus, il est clair que tout n’était que prétexte pour exercer tout en évitant de payer des taxes.
Un pays ne peut prétendre vouloir se développer quand les mentalités n’évoluent pas et quand la résistance au changement prend le pas sur toutes les autres considérations.

N.R.

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