Valisoa Rakotolehibe – Auteur : “L’éducation la plus importante, c’est celle du cœur”

Femme de lettres, mais surtout passionnée d’éducation, Valisoa Rakotolehibe est connue comme une révolutionnaire dans le domaine de l’éducation à Madagascar. Elle a marqué les esprits avec la publication en 2022 de “Neny ô, inona no dikan’ny Tiako Ianao ?”, un livre jeunesse abordant le thème de l’amour maternel, sujet peu traité dans la société malgache réputée pour sa pudeur. Par la suite, elle a écrit un ouvrage qui traite de la psychologie, explorant les émotions des enfants. Ses livres ont rapidement connu un succès retentissant, la propulsant sur la scène nationale et internationale. Entretien avec une figure incontournable dans l’art de l’écriture et dans l’éducation à Madagascar.

Parle-nous de ta passion pour l’écriture.

Ma passion pour l’écriture me suit depuis mon enfance. À cette époque, déjà, je passais mon temps à écrire des lettres. Plus tard, mon père m’avait offert mon premier agenda, et depuis, j’écris tout le temps. C’est surtout pour l’amour des mots et pour chercher les plus belles façons de dire de belles choses.

Quand as-tu décidé de devenir auteure ?

Je n’ai pas vraiment “décidé” de devenir auteur. Un jour, j’ai écrit les lignes d’un livre pour mon fils et j’ai demandé à une amie (Èf.) de l’illustrer. J’ai demandé à un ami de me l’imprimer et il m’a convaincu que le monde aurait sûrement besoin de ce livre. C’est comme ça que “Neny ô, inona no dikan’ny Tiako Ianao ?” s’est retrouvé chez Editions Teny. (merci Fano !)

Qu’est-ce qui t’a poussé à écrire des livres pour enfants en particulier ?

Je suis partie du constat qu’il manquait cruellement de livres jeunesse à Madagascar et surtout en malgache. Cela m’a motivée à agir. C’est aussi parce que je faisais l’école à la maison à l’époque. Je voulais ajouter des livres à la collection de livres en malgache de mes fils. Et enfin, parce que l’enfant est la base de toute la société, on doit commencer par influencer positivement les enfants si on veut avoir un réel impact sur le futur.

As-tu suivi des formations spécifiques pour devenir auteure ?

Je n’ai pas suivi de formation spécifique. C’est la vie qui a décidé que ce que j’avais en moi devait briller et que c’était LE moment. C’est aussi la confiance que mon éditeur a mise en moi et en mes textes, qui a fait la différence. Je fais également un clin d’œil à tous ceux qui ont participé à des rencontres d’écriture avec moi, grâce à Ressources Éducatives Madagascar et à l’IFM (Institut français de Madagascar).

Ton livre “Neny ô, inona no dikan’ny Tiako Ianao” a rencontré un grand succès. Pourquoi as-tu choisi ce thème ?

Ce livre restera sûrement le plus beau de ceux qui seront publiés sous ma plume. Je l’ai dédié à mon aîné, qui était haut comme trois pommes à l’époque et qui m’avait posé cette question. L’amour d’une mère sera et restera toujours l’un des plus beaux sujets pour une histoire. Les mamans sont des armures avec des cœurs en coton et c’est cette douceur dans des bras sûrs qui me donne souvent envie d’écrire sur ce thème.

Je pense qu’une grande partie des jeunes de mon âge, qui ont des enfants aujourd’hui, se rendent compte que finalement l’éducation la plus importante, c’est celle du cœur. Mon papa dit toujours : “Une famille, c’est des racines et des ailes. Des racines pour trouver votre identité et vos valeurs, et des ailes, pour vous aider à vous épanouir, qu’importe où vous irez.” Je pense que les mentalités changent doucement quoique la vie d’un enfant lambda à Madagascar ne soit pas des plus faciles.

Combien de livres as-tu écrit en tout ?

J’ai écrit trois livres jeunesse avec les Editions Teny, et aussi un carnet d’activités rempli de jeux autour de l’éducation financière, avec Teach For Madagascar et MVOLA. À voir, ce que le futur nous réserve.

Combien d’exemplaires de ce livre as-tu vendu et d’où viennent principalement tes clients ?

Beaucoup ! Je ne saurais dire exactement à la date d’aujourd’hui. Durant les deux premiers mois de sa sortie, 300 livres avaient déjà été vendus. Et je reçois des feedbacks des USA, du Canada, du Kenya, de France, de Suisse, des Pays-Bas, d’Irlande, et même d’Australie ! C’est fou. C’est incroyable quand même la mondialisation. Mes livres sont actuellement disponibles dans le monde entier grâce à lohasola.com.

Parle-nous de “Henoiko ny fihetseham-poko”. Pourquoi avoir choisi ce thème ?

C’est une amie, Ashley Razafindrabe – psychologue clinicienne, qui m’a contacté avec cette idée de faire un livre sur les émotions. De fil en aiguille, et de par nos expériences communes avec les enfants, on a reconnu un vrai besoin dans et pour les familles. Du coup, on a peaufiné tout ça, et Setra Nasolo nous a mis les étoiles dans les yeux avec ses dessins. De là, est né ce beau livre.

Est-ce que le métier d’auteur est rentable à Madagascar ?
Je ne connais qu’une seule personne ou deux, qui en vivent. Et encore, je pense que ça a pris des années et une dizaine voire une vingtaine d’ouvrages. Ce sont des arbres qui abritent toute une forêt d’auteurs Malagasy, qui malheureusement ne vivent pas de leurs arts. Aussi, parce qu’il n’y a pas de réelle structure encore pour se professionnaliser dans le domaine ; et les éditeurs comme Editions Teny, ou encore Editions Karné, sont jeunes et se professionnalisent aussi. Alors un jour, sûrement, on espère.

Pourquoi es-tu si engagée auprès de la jeunesse malgache ?

Les enfants et les jeunes à Madagascar doivent être soutenus dans ce qu’ils font et surtout dans leur éducation. Il faut que nous soyons des géants pour les plus petits que nous, pour pouvoir les porter sur nos épaules et pour faire également écho à leurs voix qui passent souvent inaperçues.
Par exemple, on découvre Diary Nofy dont je suis l’une des ambassadrices, qui fait des levées de fonds pour pouvoir distribuer des livres à des milliers d’enfants dans tout Madagascar, ou encore TALY CORPS qui offre un soutien pédagogique gratuitement à des enseignants FRAM de leur réseau.

Quels conseils donner aux jeunes qui souhaitent se lancer dans une carrière d’auteur ?

Écrivez beaucoup. Lisez, encore plus. Partez à la rencontre de gens qui vous inspirent. Entourez-vous de personnes qui croient en vous et en votre potentiel. Saisissez les opportunités à deux mains. Et surtout, restez vous-mêmes, ce qui a été prévu pour vous, vous arrivera en temps et en heure. En attendant, on travaille dur, les yeux et la tête dans les nuages.

Propos recueillis par
Nambinina Jaozara

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