Connue sous le nom de “Mana maitso” ou “manne verte”, la spiruline, surnommée aussi « nourriture donnée par Dieu » par les scientifiques malgaches lors de sa découverte en 1986 dans le Sud de Madagascar, possède des propriétés nutritives exceptionnelles. Cette algue microscopique est capable de lutter efficacement contre la malnutrition qui sévit dans cette région, en particulier chez les enfants, à condition qu’elle soit produite et distribuée en quantité suffisante.
En 2002, les efforts des chercheurs malgaches ont abouti à la création de Spirusud Antenna, la première ferme de production de spiruline de la Grande Île, en collaboration avec la fondation suisse Antenna. Située à l’université de Maninday, cette ferme est au cœur de la recherche locale sur la spiruline.
Les résultats sont significatifs. Selon le Dr Vololonavalona Ravelo, enseignante-chercheuse à Maninday et initiatrice des travaux, “20.000 enfants souffrant de malnutrition aiguë dans le Sud ont été pris en charge grâce à la spiruline”. Après plusieurs mois de traitement, ces enfants ont retrouvé leur poids normal et leur santé. En effet, 100 grammes de spiruline contiennent 60 à 70 grammes de protéines, du fer, du phosphore, du magnésium, du zinc et du cuivre. La spiruline est plus riche en vitamine A que la carotte et contient 56 fois plus de fer que l’épinard.
Une partie de la production de Spirusud Antenna est distribuée gratuitement aux centres et associations qui s’occupent des enfants souffrant de malnutrition sévère. Le reste est vendu pour financer la ferme.
Entre 2002 et 2021, Madagascar a vu la création d’une trentaine de fermes de spiruline dans plusieurs régions (Boeny, Vakinankaratra, Analamanga et Antsiranana), grâce au soutien de l’équipe du Dr Vololonavalona Ravelo. “L’idée était d’en implanter une dans chaque région”, souligne la scientifique.
Cependant, la production de spiruline est actuellement en difficulté. Les cyclones ont endommagé la plupart des gisements naturels de spiruline à Toliara, la seule région bénéficiant de ces sources naturelles. De plus, la pandémie de Covid-19 a provoqué une flambée des prix des intrants nécessaires à la culture en bassin contrôlé. “Avant, le bicarbonate de soude était vendu à 15.000 ariary le sac, contre 125.000 ariary aujourd’hui”, déplore le Dr Vololonavalona Ravelo. Parmi les cinq producteurs de la région Atsimo Andrefana, seul Spirusud Antenna subsiste.
Pour soutenir la filière, le Dr Vololonavalona Ravelo préconise le reboisement et des aides étatiques pour l’achat des intrants. Elle mentionne également des projets futurs en collaboration avec le ministère de la Pêche, visant à créer une usine de production de spiruline. Actuellement, Spirusud Antenna produit environ 400 kilogrammes de spiruline en hiver et 1.200 kilogrammes en été, une quantité insuffisante pour répondre aux besoins liés à la malnutrition dans le Grand Sud. Malgré ces défis, la “manne verte” continue de sauver des vies, affirme la scientifique.
Nambinina Jaozara