Les grands perdants

Pour la période de juin 2024 à mai 2025, les commandes de carburant de Madagascar seront centralisées chez un seul fournisseur, en l’occurrence la branche trading de la société omanaise OQ trading. Ainsi, les 4 principaux distributeurs pétroliers du pays, à savoir, Shell, TotalEnergies, Jovena et Galana, se partageront les produits pétroliers à leur arrivée au port de Toamasina. Ils recevront le carburant acheté auprès du trader omanais au même prix.
Le choix de ce fournisseur unique fait suite à un appel d’offres lancé par le gouvernement en 2022.Ce système d’achat groupé permettrait, dit-on, d’améliorer les procédures d’importation. Avec un seul fournisseur, il est également plus facile de suivre le rythme d’approvisionnement du pays en carburants. Ce qui permettra, sans aucun doute, de connaître la situation des stocks au niveau national. Une éventuelle rupture de stocks ne peut être envisagée dans un système pareil.
Ce qui n’est pas le cas avec plusieurs fournisseurs. Dans cette éventualité, il est possible que tous les pétroliers attendent le moment opportun pour effectuer leurs commandes (en fonction de l’évolution des cours mondiaux du pétrole et de la disponibilité des tankers pour transporter le carburant…). Mais entre-temps, la situation peut évoluer très vite. Et quand les pétroliers se décident enfin à lancer leur commande respective, il se pourrait que le spectre de la pénurie de carburants menace.
Auparavant, chaque pétrolier avait son propre fournisseur et donc avait son propre prix de revient. En théorie, la concurrence entre les pétroliers pouvait fonctionner tant bien que mal, quoique, en vérité, les consommateurs ne l’ont jamais constaté effectivement au niveau des prix affichés à la pompe. Etrangement, les prix affichés auprès des différentes stations-services étaient toujours les mêmes sans qu’aucune explication n’ait jamais été fournie à ce sujet.
Aujourd’hui, avec ce fournisseur unique, cette concurrence sera de plus en plus absente. Il existera un prix plancher en dessous duquel tous les distributeurs pétroliers ne pourront pas descendre à moins d’accepter de vendre à perte leurs produits. Ce qui est, bien évidemment, impensable. Si ces pétroliers sont là, c’est bien pour faire des bénéfices.
Avec ce système de fournisseur unique, les concepts de libéralisation des prix, de libre concurrence… sont vi­des de tout sens. Pour­tant, on croit bien que le pays fonctionne sous le régime d’une économie libérale. Et en fin de compte, les consommateurs n’ont qu’à se plier au diktat des pétroliers en matière de prix. Ils seront toujours les grands perdants.

Aimé Andrianina

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