Investissement durable: investir dans le green pour stimuler l’économie

Trier les déchets n’est pas très glamour, et ce n’est pas non plus le métier le plus valorisé pour stimuler l’économie d’un pays. Cependant, l’investissement durable recèle un potentiel significatif. Il s’agit d’une philosophie d’investissement qui va au-delà des simples calculs de retour sur investissement. Les acteurs du secteur de l’environnement et du développement durable expliquent comment ce nouveau modèle économique représente l’avenir de la Grande Île.

L’investissement durable ou responsable se réfère à des stratégies visant à générer de la valeur à long terme pour les investisseurs, tout en favorisant un environnement plus sain, des communautés plus solidaires, et de bonnes pratiques de gouvernance d’entreprise. Ce concept inclut l’économie verte et l’économie circulaire. L’Afrique est particulièrement bien positionnée pour l’économie circulaire, car cette approche est ancrée dans sa culture.

Contrairement à certains pays occidentaux où le recyclage est un concept relativement récent, les pratiques de réutilisation sont déjà bien établies parmi les familles modestes africaines. Par exemple, les bouteilles en plastique sont souvent réutilisées pour vendre des jus de fruits, et les bidons jaunes servent de vases pour décorer les jardins. La valorisation des déchets, ou l’économie verte est bien ancrée dans la culture et commencent également à prendre place progressivement dans l’économie, même si les moyens techniques font souvent défaut.

Selon Max Andonirina Fontaine, ministre de l’Environnement et du développement durable, ce nouveau concept est parfaitement adapté à Madagascar en raison de sa population majoritairement agricole. Lors du Comesa Federation of Women in Business Trade Fair&Conference, qui s’est tenue à Antananarivo les 28 et 29 juin, il indique que l’économie verte et l’économie circulaire est le premier axe stratégique du ministère de l’Environnement et du développement durable pour les cinq prochaines années à venir et les femmes sont les principaux piliers de cet axe.

78,1% de la population malgache vit en milieu rural, selon les estimations du FAO (Fonds des Nations Unies pour l’alimentation). Ces populations entretiennent déjà un lien étroit avec la terre. Les femmes représentent plus de 50% de la population active agricole, selon le FAO. Elles jouent un rôle crucial dans la gestion des ressources vitales telles que l’eau et le bois de chauffage.D’ailleurs, bien que les données statistiques font parfois défaut, il est largement observé que la plupart des entreprises responsables sont dirigées par des femmes et emploient majoritairement des femmes.

Mais comment ce modèle économique peut-il contribuer au développement de Madagascar ? C’est simple. En plus de créer des emplois, il favorise la protection de l’environnement, lutte contre les différentes formes de pollution, et surtout éduque la société au respect de la nature. Un exemple concret dans ce domaine est la Société de tri, de compactage et de valorisation (STCV), l’un des pionniers de l’économie verte et de l’économie circulaire à Madagascar. Cette société travaille avec plus de 500 femmes vulnérables dans les quartiers de la capitale, qui collectent des déchets recyclables, créant ainsi des activités génératrices de revenus de manière durable. L’impact environnemental est notable : en nettoyant la ville, ces femmes contribuent à la protection de l’environnement, à la réduction de la pollution de l’air et à l’amélioration de l’esthétique urbaine. Elles jouent également un rôle clé dans l’économie circulaire, ce qui représente une nouvelle forme d’éducation au mode de vie responsable. L’impact économique de ce modèle, bien que relativement nouveau, est significatif. Grâce aux déchets collectés, la société crée de nouveaux produits, tels que des sacs recyclés et des éco-goodies pour entreprises. De plus, elle fabrique du charbon écologique, contribuant ainsi à la lutte contre la déforestation.
Par ailleurs, les établissements financiers à Madagascar commencent également à s’impliquer dans l’investissement durable. Selon Alexandre Mei, CEO de la BNI Madagascar, “l’intérêt des entreprises pour l’économie verte est très récent. À l’échelle de la BNI, par exemple, c’est quelque chose qui a démarré il y a cinq ans.” Les institutions financières commencent à promouvoir le financement vert en proposant des taux bonifiés, des solutions de financement, une assistance technique, voire des subventions de la part d’organismes. Au Sénégal, par exemple, le concept est tellement prometteur que les financiers n’hésitent pas à fournir une garantie partielle de crédit allant jusqu’à 400 millions, voire 500 millions d’euros, pour soutenir des investissements à caractère vert et social.

En parallèle, il existe également des défis liés à la multiplication et à la pérennisation des activités responsables. Pour y parvenir, ces acteurs misent sur la transmission des connaissances. En effet, l’économie verte n’a de sens que si tout le monde s’implique. Si certains nettoient et que d’autres salissent, les efforts seront vains. Il est crucial que chacun participe. “Notre domaine est un défi constant, car c’est un concept innovant sans référentiel établi. Au sein de notre plateforme logistique, les défis sont quotidiens : tests de processus, mise en place de nouveaux processus, rectifications, et on continue d’avancer,” explique Gaëlle Randriamanana, directeur et fondateur de la STCV.

Ces activités d’accompagnement s’étendent également à la responsabilité sociale des entreprises (RSE), en impliquant le secteur privé dans divers processus de sensibilisation. “Nous aidons nos clients à mettre en place le tri sélectif. C’est un énorme défi car le tri sélectif n’existe pas encore à Madagascar. Je pense que c’est notre plus grand défi actuel. Lorsqu’on intervient dans les entreprises pour former les collaborateurs, parler des déchets est tout simplement tabou. Mais nous avons osé le faire, et nous avons constaté que tout le monde se sent concerné, car ils voient que la ville est sale et veulent agir. Nous proposons des formations sur les écogestes : comment trier, pourquoi trier, et pourquoi réduire les déchets à la source. Nous formons des écocitoyens, et c’est vraiment notre plus grand défi,” explique Gaëlle Randriamanana.

Nambinina Jaozara

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