« Sitaboamba » : Lova Nantenaina traite un sujet sensible intemporel

Comme son nom l’indique, « Sitabaomba, chez les zébus francophones », le nouveau film documentaire réalisé par Lova Nantenaina, s’annonce comme une bombe. En abordant de front la question foncière à Madagascar, le réalisateur soulève un enjeu crucial qui résonne bien au-delà des frontières de la Grande île. Une avant-première s’est tenue, vendredi à Paris, dans le cadre de l’événement des diasporas Zama, une autre projection aura lieu demain à La Réunion. La sortie au niveau national est prévue pour le 23 octobre.

«J’ai mis sept ans à réaliser ce film », af­firme Lova Nantenaina. Ce long processus de création a permis au réalisateur, en collaboration avec Eva Lova-Bély, de plonger en profondeur dans l’histoire de Ly, l’un des derniers paysans de la capitale.
Depuis 2016, la vie de Ly bascule. Des spéculateurs ayant les bras longs convoitent leur terre. Durant des années, Ly et ses amis paysans luttent pour garder leur grain de pain qu’ils voient de plus en plus inaccessibles. A travers le temps, le site appelé par la suite, « Site à bombe » ou « Sitaboamba » intéresse les divers grands projets présidentiels.
« Nous sommes comme un œuf qui affronte un galet », remarque-t-il.
Ce documentaire de 104 minutes, produit par Papang, Endemika, Niko film et Diam production, est un investissement sans faille, pour offrir au public un récit touchant.

Diverses disciplines
artistiques
Par ailleurs, la beauté de ce film documentaire réside aussi sur la manière dont Lova Nantenaina et Eva Lova-Bély conjuguent diverses disciplines artistiques. C’est un moyen moins direct, plus mélodieux et surtout émouvant pour évoquer la situation. Dès le commencement, Lova Nantenaina entame l’histoire avec une petite animation. Et les contrastes entre les images et les textes, la présence de l’animation et la voix off de Claudia Tagbo, créent une forme de décalage qui invite le spectateur à une réflexion plus profonde sur les enjeux de l’accaparement des terres. Et au cœur de « Sitabaomba » se trouve le kabary, art oratoire malgache ancestral, avec des discours poétisés basés sur les proverbes, les jeux de mots, les figures de style…

Un film fort en contraste
Ce projet artistique rassemble une multitude de talents dont Bekoto, figure emblématique du groupe Mahaleo, la compagnie Miangaly, avec sa pièce mettant sur le devant de la scène une reine en quête d’identité, offre une dimension onirique au récit. Sans oublier Gégé Rasamoely et l’artiste plasticien Temandrota, qui à travers son travail avec les enfants de Sitabomba, place le film dans une réalité sociale et artistique riche.
Les auteurs ont travaillé minutieusement l’image et le texte, l’humour et le chagrin. « Nous parlons en français avec nos zébus pour les orienter : gauche ou droite », affirme ironiquement Ly, qui ne parle pourtant pas le français.
Rappelons que «Sita­baomba. Chez les zébus francophones» a reçu le Prix Leipziger Ring (Allemagne), puis a été sélectionné au festival IDFA (Amsterdam, Pays-Bas). Il a aussi remporté le Prix du Film Vert au Festival du film francophone « Les oeillades » (Albi, France) et a été sélectionné en compétition au TIDF (Taïwan International Documentary Festival), à DOXA (Canada), au FIDADOC (Agadir, Maroc),…

Holy Danielle

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