Quatre magistrats viennent d’être suspendus. Selon les explications du ministère de tutelle, il s’agit d’une décision légitime car les procédures liées à cette suspension ont été respectées. De son côté, le syndicat des magistrats, en tant que défenseur de leurs collègues, a pris la décision de se faire entendre pour marquer leur indignation, estimant que les griefs portés contre ces magistrats ne constituent pas une faute grave. Le syndicat juge ainsi que la suspension de fonction est non seulement « illégale » mais aussi « illégitime » car elle « ne repose sur aucun motif fondé ».
Voilà en gros une affaire qui vient de mettre en lumière un différend entre les magistrats d’un côté, et de l’autre, le ministre, qui lui-même vient de leur rang. Au-delà d’une affaire devenue médiatique, elle révèle aussi un malaise. Et pour cause, à l’instar d’autres secteurs d’activité dans le pays, la justice fait partie des plus décriés.
En guise d’illustration, selon les chiffres fournis cette année par
le Bureau indépendant anti-corruption, près de 58 % des doléances reçues concernent cinq secteurs clés de l’administration, à savoir les collectivités territoriales décentralisées, suivies du secteur foncier, de la justice, de la gendarmerie nationale et de l’éducation. La justice se situe donc en troisième position. Ce constat montre que le secteur mérite amplement quelques ajustements, un terme encore faible si l’on prend en compte les plaintes des usagers au quotidien.
Pour en revenir à cette affaire de magistrats, les usagers accueillent donc légitimement ce type
d’initiatives de la part du ministre. Dès sa prise de fonction, il avait déjà annoncé la couleur en déclarant vouloir en finir avec le laxisme et en faisant de la transparence une priorité. Visiblement, un travail de longue haleine qui s’apparente aux douze travaux d’Hercule et qui nécessite beaucoup d’efforts de la part du ministre et de son équipe. Pour preuve, depuis 2019, c’est le septième ministre en fonction dans ce département, l’un des plus instables au niveau ministériel, ce qui illustre l’ampleur des défis au sein de cette entité.
Bien évidemment, il ne faudrait pas que ce genre d’initiatives serve à pointer du doigt des adversaires politiques ou professionnels, comme cela arrive parfois. C’est aussi pour cette raison qu’il ne faut pas tout de suite accuser les juges qui viennent d’être suspendus. Il appartient au Conseil de la magistrature de statuer sur le sujet, à moins que le corporatisme n’impose sa loi. Là aussi, c’est un autre sujet.
En tout cas, la suite de cette affaire dépendra en grande partie de la capacité des différentes parties à trouver un terrain d’entente. Dans le cas contraire, le fossé risque de se creuser davantage entre le ministère et le corps judiciaire, alimentant des tensions déjà existantes. Les usagers, de leur côté, observent avec un mélange d’espoir et de scepticisme les réformes promises, espérant voir une amélioration dans l’accès à une justice équitable et transparente. Jusqu’ici, pour la grande majorité, cela relève encore de l’utopie.
Rakoto