Indicateur de développement humain et croissance économique: Madagascar entre défis structurels et espoirs fragiles

Madagascar, la grande île de l’océan Indien, est une terre de contrastes où la beauté de ses paysages et la richesse de sa biodiversité cachent une réalité bien plus complexe. Depuis des décennies, le pays se débat entre un potentiel de développement indéniable et des défis structurels qui freinent son émergence. L’indicateur de développement humain (IDH) et les chiffres de la croissance économique sont autant de miroirs qui renvoient l’image d’un pays pris entre ses aspirations et ses difficultés à les réaliser.

Un IDH encore insuffisant pour une population en quête de progrès

L’IDH, outil de référence qui mesure la qualité de vie d’un pays en croisant l’espérance de vie, le niveau d’éducation et le revenu par habitant, reste un révélateur des inégalités profondes qui traversent Madagascar. Avec un IDH de 0,528 en 2021, le pays figure dans la catégorie des nations à développement humain moyen. Mais ce score, bien que légèrement en hausse par rapport aux années précédentes, reste insuffisant face à l’ampleur des défis à relever.

L’espérance de vie à la naissance, qui frôle les 67 ans, montre certes une légère amélioration, mais elle reste bien en deçà de celle de nombreuses nations africaines qui ont su progresser plus rapidement. Les maladies infectieuses, les troubles nutritionnels, ainsi que l’insuffisance d’infrastructures médicales et de services de santé demeurent des causes de mortalité élevée, en particulier dans les zones rurales reculées.

Le secteur éducatif, bien qu’il ait fait des progrès dans la scolarisation primaire, reste un point de friction. Les taux de scolarisation au primaire sont relativement élevés, mais la qualité de l’éducation, tout comme l’accès à l’enseignement secondaire et supérieur, restent problématiques. Le décrochage scolaire, la surcharge des classes, ainsi que la pénurie de ressources et d’infrastructures scolaires freinent les ambitions de toute une jeunesse malgache.
Par ailleurs, l’indice de revenu par habitant en PPA (parité de pouvoir d’achat), qui s’élève à environ 1 500 USD par an, témoigne de la persistance de la pauvreté. Madagascar continue de figurer parmi les pays les plus pauvres du monde. Une partie importante de sa population, notamment en milieu rural, vit sous le seuil de pauvreté. L’absence d’opportunités économiques, d’accès aux services de base et de couverture sociale renforce cette précarité.

Une économie fragile : dépendance aux matières premières et vulnérabilité structurelle

Du côté de la croissance économique, Madagascar continue d’afficher des chiffres contrastés. Le PIB du pays a rebondi de 4,3% en 2021, après une chute catastrophique de -4,2% en 2020 en raison de la pandémie de Covid-19. Cependant, cette reprise reste fragile, et la croissance est essentiellement tirée par des secteurs comme l’agriculture, les mines, et l’industrie de la vanille, un produit phare du pays.

L’agriculture représente environ 25% du PIB et emploie plus de 70% de la population. Toutefois, le secteur reste vulnérable aux aléas climatiques, notamment la sécheresse et les cyclones. Le manque d’infrastructures modernes pour irriguer les terres et la lente adoption de techniques agricoles plus durables empêchent la productivité de se développer. La dépendance à des produits spécifiques (comme la vanille, les épices et les minerais) rend aussi l’économie malgache particulièrement vulnérable aux fluctuations des prix mondiaux.

Le secteur minier, riche en ressources naturelles comme le nickel, le cobalt, et le saphir, présente un potentiel de croissance important. Mais la gestion des ressources et les conditions de gouvernance restent un frein majeur. La corruption, les conflits liés à l’exploitation minière, et un cadre réglementaire inadapté réduisent les bénéfices de ces richesses naturelles pour l’économie nationale.
Le secteur touristique, autrefois prometteur, a été durement impacté par la crise sanitaire. Avant la pandémie, le tourisme représentait une source de revenus importante pour le pays, mais le manque d’infrastructures et la faible sécurité juridique pour les investisseurs limitent encore son potentiel. Les perspectives de croissance restent incertaines, bien que des efforts soient en cours pour relancer le secteur.

Pauvreté persistante et inégalités sociales : une pression sur le développement

L’une des réalités les plus criantes de Madagascar reste la pauvreté extrême. Près de 75% de la population vit en dessous du seuil de pauvreté international de 1,90 USD par jour. Cette pauvreté touche particulièrement les zones rurales, où les habitants n’ont souvent ni accès à l’eau potable, ni à l’électricité, ni aux soins de santé de base.

L’instabilité politique chronique, qui a marqué l’histoire contemporaine de Madagascar, reste un frein à toute forme de développement durable. Les périodes de crise, les coups d’État, et les changements fréquents de gouvernement ont engendré une forte instabilité, entravant les réformes nécessaires pour assainir l’économie et améliorer la gestion des ressources publiques. Les mécanismes de gouvernance sont faibles, ce qui engendre une corruption endémique qui freine les investissements et perpétue la pauvreté.

Le pays est aussi particulièrement vulnérable aux changements climatiques. Les catastrophes naturelles, telles que les cyclones, les sécheresses et les inondations, touchent principalement les populations les plus pauvres, exacerbant les inégalités sociales. La déforestation, qui progresse à un rythme alarmant, affecte la biodiversité unique de l’île et aggrave la pauvreté rurale en réduisant les ressources naturelles disponibles.

Les leviers du changement : réformes et soutien international

Face à ces enjeux, Madagascar doit impérativement trouver des leviers de transformation pour sortir de la pauvreté et réduire les inégalités. L’amélioration de l’éducation et de la formation professionnelle est essentielle pour fournir aux jeunes les compétences nécessaires à la compétitivité sur le marché mondial. Le développement d’un système de santé universel, plus accessible et plus résilient, est également une priorité pour garantir une meilleure qualité de vie à la population.

La diversification de l’économie en soutenant des secteurs comme les technologies numériques, les énergies renouvelables, et la transformation locale des matières premières est également une voie prometteuse. Ces secteurs peuvent aider Madagascar à se rendre moins dépendant des fluctuations des prix des matières premières et à créer de nouvelles opportunités d’emploi.

Le soutien international reste crucial pour aider Madagascar à franchir ce cap difficile. La coopération avec les organisations internationales et les investisseurs étrangers doit se renforcer, notamment dans des projets visant à améliorer les infrastructures et à promouvoir la durabilité écologique.

Entre potentiel et obstacles, le défi du développement reste entier

Madagascar se trouve à un carrefour de son histoire. Son potentiel de croissance économique est évident, mais il est constamment contrarié par des obstacles internes et externes. L’IDH et la croissance économique ne peuvent être pleinement réalisés sans un engagement ferme à surmonter la pauvreté, les inégalités sociales et les vulnérabilités environnementales. Le chemin est semé d’embûches, mais avec des réformes courageuses, un engagement fort des acteurs nationaux et internationaux, et une gouvernance améliorée, Madagascar peut espérer améliorer ses conditions de vie et offrir à sa population un avenir plus prospère. Le temps est venu d’agir, avant que les espoirs ne se dissipent définitivement.

Rakotoarisoa Andriatahina

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