La récente annonce de la Direction générale des impôts concernant l’instauration d’une taxe de 0,5% sur les transactions mobile money excédant 150.000 ariary, a provoqué une levée de boucliers auprès des opérateurs MVola, Orange Money et Airtel Money. Cette mesure, dénoncée comme un « fardeau pour les 23 millions de Malgaches utilisateurs » par les opérateurs, risque d’impacter
profondément l’économie nationale et les efforts d’inclusion financière.
Pour ces trois opérateurs, les conséquences immédiates de cette taxation pèseront lourdement sur les utilisateurs. Selon eux, les frais de transferts d’argent pourraient «augmenter de deux à cinq fois», tandis que ceux liés aux paiements commerçants «pourraient être multipliés par dix». Pour des millions de ménages vulnérables, cette hausse des coûts s’ajoutera à un pouvoir d’achat déjà fragilisé.
Cette taxe menace également «les 164.000 agents de distribution de mobile money (Cash Points), ce qui représente environ 1 million d’individus, dont les revenus pourraient s’effondrer en raison de la baisse de l’utilisation des services», indiquent ces opérateurs dans le communiqué conjoint qu’ils ont publié hier.
Au-delà des consommateurs, cette taxe pourrait inverser une décennie de progrès dans la digitalisation de l’économie malgache. En favorisant le retour aux transactions en espèces, elle réduirait la traçabilité des flux financiers, compliquerait la collecte fiscale et renforcerait l’économie informelle. Par ailleurs, les risques sécuritaires liés à la manipulation de l’argent liquide s’en trouveraient exacerbés.
Les opérateurs avertissent également d’un effet dissuasif sur les investisseurs, locaux comme internationaux, face à une mesure perçue comme incohérente avec les efforts de digitalisation soutenus par l’Etat et la Banky Foiben’i Madagasikara (BFM).
Une efficacité fiscale contestée
Sur le plan financier, l’impact de cette taxe est jugé «contre-productif». Des expériences similaires en Tanzanie, au Ghana ou encore au Cameroun ont démontré une baisse drastique des transactions mobile money, pouvant aller jusqu’à -60% en valeur. Madagascar risque ainsi de voir les recettes fiscales issues de cette taxe plafonner à 50 milliards ariary annuels, bien en dessous des attentes initiales de 143 milliards. Dans le même temps, les pertes fiscales indirectes liées à la baisse d’activité et au recul de la digitalisation pourraient atteindre jusqu’à 100 milliards ariary.
Pour les opérateurs, la solution réside dans un soutien accru au secteur du mobile money. En favorisant sa croissance naturelle, ce dernier pourrait générer, d’ici 2025, plus de 50 milliards ariary de recettes fiscales additionnelles, tout en accélérant la formalisation de l’économie. Une digitalisation renforcée des paiements, notamment pour les services publics, permettrait de doubler la valeur des transactions dans l’informel et d’augmenter les recettes fiscales à hauteur de 100 milliards ariary.
Les opérateurs regrettent l’absence de concertation autour de cette décision, dénonçant une démarche unilatérale sur un sujet crucial pour l’avenir de millions de Malgaches. Ils appellent à un dialogue constructif avec les autorités pour bâtir une fiscalité plus juste et durable.
Arh.