Sahondra Rabenarivo sur la SNLCC ; « La crédibilité se gagne en éradiquant l’impunité… »

La nouvelle Stratégie nationale de lutte contre la corruption (SNLCC), a été présentée récemment dans la Capitale. L’un des objectifs est d’en finir avec l’impunité et réduire considérablement la corruption d’ici 2030, selon la présidente du comité d’élaboration, Sahondra Rabenarivo.

*Les Nouvelles : Vous venez récemment de présenter la nouvelle SNLCC, en quoi diffère-t-elle de l’ancienne ?
-Sahondra Rabenarivo : La première différence réside avant tout dans la manière dont cette nouvelle stratégie a été élaborée. Contrairement à l’ancien texte, le nouveau a fait l’objet d’une consultation nationale en prenant en compte les recommandations de milliers de personnes. Seule l’opinion publique ne peut pas changer les choses. Plus ils savent de quoi il en ressort, plus ils demanderont des comptes et des résultats. La corruption se nourrit de l’ignorance car peu de personnes connaissent les textes. La crédibilité commencera avec l’impunité et c’est la deuxième grande différence et l’un des points fondamentaux de cette stratégie.

*Comment lutter contre cette impunité ?
-Derrière une stratégie simple se trouve toujours un grand travail qui nécessite la contribution de différentes personnes. Si on veut en finir avec l’impunité, il faudrait au moins que la Haute cour de justice (HCJ) traite les dossiers. Elle a été en place depuis 2010 mais n’a sorti aucun jugement à défaut de mise en accusation à l’Assemblée nationale. 15 dossiers sont passés devant les députés mais faute de quorum, ces derniers ont été classés sans suite. Il n’y a pas d’excuse, il faut rouvrir les dossiers. Les cas de corruption n’ont pas de date de péremption et sont assimilables aux cas de meurtres, c’est-à-dire à perpétuité. Cette histoire d’immunité sera une autre paire de manche qui attend le Parlement.

*Que disent les lois à ce sujet ?
-Nous avons déjà prévu la mise en place d’un comité ad hoc pour la HCJ, pour tenter de réduire les blocages dans la répression de la corruption. Ce comité ad hoc sera en place une fois que le décret de mise en œuvre de ce nouveau texte, sera promulgué. Nous venons d’assister au mois de décembre à la mise en place de la Commission de mise en accusation devant la HCJ. De nouveaux membres de l’Assemblée nationale viennent également de siéger à la HCJ. Voyez comme tout cela est rapide. Dans tous les cas, il y a confusion avec l’immunité et nous allons organiser des ateliers pour éclaircir les choses.

*Et les sanctions prévues ?
-Si les preuves sont solides, il ne devrait pas y avoir de souci sur l’application des sanctions. C’est impensable de voir que des candidats aux élections ont déjà été condamnés. Les candidats aux hauts emplois de l’Etat devront faire l’objet d’une enquête de moralité, voire même d’un interrogatoire sur leurs précédentes actions dans la lutte contre la corruption.

* Cette nouvelle stratégie entrera donc en vigueur d’ici peu…
-Nous attendons la formation du Comité de mise en œuvre qui sera enclenchée par le décret de mise œuvre pris en Conseil des ministres ou de gouvernement. Ce comité sera alors copiloté par le CSI et la Primature. Il y aura des sensibilisations, des formations et des vulgarisations des textes. On sait que des réseaux mafieux se nourrissent de la corruption, ils sont organisés, ils exploitent la technologie et en contrepoids, nous devrons mettre en place des réseaux vertueux. Et cette stratégie prévoit la mise en place de 7 Task force.

*5 ans suffisent-ils pour sa mise en œuvre ?
-L’ancienne stratégie nous a pris 10 ans et nous avons vu les résultats. Nous en avons tiré des leçons et avons décidé de l’écourter à 5 ans pour mieux agir. C’est l’efficacité qui sera prise en compte. Nous avons également compris qu’une stratégie est souvent mal appliquée lorsque celui qui dirige ne l’a pas élaboré. Cette fois, le texte concorde parfaitement au quinquennat du chef de l’Etat et aux attentes des parties qui ont pris part à son élaboration. On a un calendrier bien rempli pour les 5 prochaines années.

*Qu’en est-il des moyens de financement ?
-Nous allons présenter la stratégie à nos partenaires vendredi (hier, ndlr). Sa mise en œuvre ne sera pas possible sans appui international puisque le Comité pour la sauvegarde de l’intégrité (CSI) ne dispose pas de budget. Quant au gouvernement, le budget 2025 a déjà été adopté. Cependant la Primature fait partie du Comité et pourrait faire changer les choses. Dans tous les cas, il est toujours préférable d’inclure une ligne budgétaire relative à la lutte contre la corruption dans chaque projet du gouvernement.

*Votre mandat touche à sa fin, au début de la mise en œuvre de la SNLCC, cela n’affectera-t-il pas l’efficacité de la stratégie ?
-Je n’avais aucune feuille de route à mon arrivée à la tête du CSI en 2019. On a dû se focaliser sur le court terme. A présent mon successeur aura déjà ce document pour le guider. D’ailleurs il faut noter que le CSI est constitué d’un comité qui va accompagner le nouveau président dans ses fonctions.

Propos recueillis par Tahina Navalona

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