Dépôt des comptes de campagne; Daudet Rakotoarivelo: «Les politiciens sont réticents»

Après les élections, la Commission de contrôle du financement de la vie politique (CCFVP), se penche actuellement sur les comptes de campagne des candidats qui manifestement n’éprouvent pas la bonne foi sur le sujet. Ignorance pour certains, manque de transparence pour d’autres, le président de la commission, Daudet Rakotoarivelo, relate les difficultés auxquelles la CCFVP est confrontée.

*Les Nouvelles : On a souvent entendu parler de la CCFVP, mais quel est son rôle exactement?
-Daudet Rakotoarivelo : La CCFVP a été créée en 2018 et les membres ont un mandat de 5 ans non renouvelable. Comme son nom l’indique, elle contrôle le financement de la vie politique, c’est-à-dire des partis et des campagnes électorales conformément aux textes en vigueur. Nous avons donc pour rôle de contrôler le financement des partis politiques, particulièrement en période électorale. A cet effet, nos activités commencent 3 mois avant la tenue des scrutins, pour recevoir les trésoriers de campagne de chaque candidat, puis 3 mois après les élections, ils devront faire parvenir les comptes de campagne. Après cela, la commission dispose de 3 à 6 mois plus tard, pour procéder à l’examen des dossiers en vue d’un rapport final.
*Ce délai est-il respecté ?
– Non. Le délai légal n’est pas respecté car les comptes des candidats arrivent toujours tard, voire pas du tout. Ceux des dernières élections présidentielles ne sont pas encore entre nos mains. Seul un candidat s’y est conformé. D’autres n’ont pas voulu présenter leur compte, prétextant ne pas avoir fait campagne, alors qu’ils ont payé la caution nécessitant des explications détaillées.
*Pouvez-vous nous donner des chiffres ?
-2 à 3% des candidats aux législatives seulement ont présenté leur compte de campagne, et encore, il s’agit des candidats non élus. Quant aux communales, aucun dossier n’a encore été reçu. Que pouvons-nous faire si les candidats ne veulent pas présenter leurs dossiers ? Nous n’avons pas le pouvoir de procéder à une autosaisine…
*D’après vous, pourquoi les candidats sont réticents ?
– Tout simplement parce que les politiciens ne veulent pas révéler leurs sources de financement. Des sommes importantes sont injectées dans la campagne électorale, certains financements sont opaques que personne ne veut dévoiler les sources. Cer­tains parlent de donations, mais les citoyens doivent savoir d’où proviennent ces dons en question. D’ailleurs, les textes interdisent les donations de l’Etat et le financement étranger. Seuls les organismes privés, nationaux et les fonds propres sont autorisés à financer la campagne électorale des candidats.
*Des sanctions sont-elles prévues à cet effet?
-Malheureusement les sanctions ne sont pas prévues dans les textes. Il est écrit dans la loi que les candidats ont une obligation de désigner un trésorier de campagne, normalement le non-respect de cette procédure devrait entraîner une sanction. Mais ce n’est pas le cas et la sanction n’est que morale. Il y a des lacunes dans le texte et nous essayons d’y remédier. Il faut noter que les sanctions ne se limitent pas toujours à des peines de prisons ou d’amendes. On peut sanctionner les partis politiques, notamment en leur interdisant de participer aux élections, par exemple.
*Est-il nécessaire de mo­difier les textes ?
-Nous avons déjà envoyé une proposition de modification auprès du Gouverne­ment mais nous n’avons pas encore obtenu de réponse. Les modifications devraient combler les lacunes dans le texte, ne serait-ce que le mode de fonctionnement de la CCFVP, les avantages non fixés des membres…
*Que fait donc la CCFVP en attendant les comptes de campagne?
– De nombreux candidats ne connaissent pas leurs obligations en termes de transparence durant les élections. Et il faut noter que l’opacité des financements de campagne justifie en partie la note de Madagascar dans l’Indice de perception de la corruption (IPC). D’autres candidats par contre ne savent tout simplement pas comment établir les dossiers. De ce fait, nous procédons à des opérations de sensibilisations. Tel a été le cas pour Mahajanga en dé­cembre dernier que nous allons poursuivre dans tout le pays.
*Des propositions d’amélioration pour votre organe ?
– Nous avons besoin d’un local. Beaucoup ne savent même pas que nous sommes situés dans l’enceinte de la Cour des Comptes. On peut même dire que l’absence de dossiers nous aide un peu pour l’instant car nous ne disposons pas de local pour déposer les archives. Nous lançons alors un appel à l’Etat pour qu’il puisse nous aider à accélérer nos activités. A noter que l’organe a été mis en place grâce à un décret. Si cela continue, les électeurs seront placés au bas du rouage électoral alors que ce sont eux qui donnent leur mandat aux candidats.

Propos recueillis par Tahina Navalona

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