Le cyclone Honde a frappé durement le sud-ouest de Madagascar, causant des pertes humaines et matérielles considérables. L’impact est particulièrement sévère pour la filière algues.
Le passage de la perturbation tropicale Honde dans le Sud a durement éprouvé les activités d’algoculture menées dans cette partie de l’île, notamment pour Ocean Farmers, une entreprise spécialisée dans cette filière. Après le passage du cyclone, 2.000 foyers de fermiers algoculteurs travaillant en partenariat avec cette entreprise ont vu leur activité et leur moyen de subsistance gravement affectés. Malgré les mesures de prévention mises en place pour sécuriser le matériel et protéger les équipements, la violence du cyclone a tout emporté sur son passage.
Pour rappel, Ocean Farmers fonctionne selon un modèle appelé “aquaculture villageoise contractuelle” qui repose sur des partenariats avec des fermiers. Ces derniers doivent respecter des techniques de culture durables ainsi que des normes sociales et environnementales strictes, conformément aux contrats établis.
Une relance longue et difficile
“Les sites situés au sud de Toliara, à partir de Sarodrano, ont subi des dommages considérables, en particulier dans la zone entre Beheloka et le cap Sainte-Marie, incluant Itampolo et Ambohibola”, indique Ocean Farmers. Le passage du cyclone, d’une intensité exceptionnelle, a détruit en quelques heures plus d’une décennie d’efforts de développement. L’entreprise annonce une relance qui sera “longue et difficile”.
Les dégâts sont qualifiés d’”alarmants”. Environ 30% de la biomasse d’algues en mer a été arrachée, emportant avec elle les lignes de culture. Certaines fermes situées entre les communes d’Anakao et d’Androka ont été presque entièrement détruites, avec 90% du matériel et des algues perdus. De plus, plusieurs magasins de stockage ont été inondés ou totalement détruits.
“De nombreuses tables de séchage installées en bord de mer ont été emportées par les vagues submersives, tout comme des barques en plastique et des pirogues”, précise l’entreprise.
Un marché prometteur mais fragile
Le marché mondial des algues est en pleine expansion, avec une demande estimée à 300.000 tonnes par an. Les dérivés d’algues, notamment les carraghénanes, sont utilisés par de grandes industries cosmétiques et agroalimentaires telles que Danone et Nestlé. L’Asie, en particulier l’Indonésie et les Philippines, domine la production mondiale. Madagascar, bien que loin derrière, produit environ 3.000 tonnes d’algues par an, dont 1.500 tonnes issues d’Ocean Farmers.
Un atout majeur du secteur malgache est sa transparence, en raison de l’absence d’intermédiaires entre producteurs et clients finaux. Toutefois, comme l’explique Frédéric Pascal, directeur général d’Ocean Farmers, dans une interview accordée au Magazine Perspectives, la transformation des carraghénanes nécessite une production bien plus importante pour être rentable. “Le marché du carraghénane demande un investissement conséquent pour la transformation, qui ne devient viable qu’avec un volume de production élevé. Aujourd’hui, Madagascar produit environ 3.000 tonnes d’algues sèches, un chiffre insuffisant pour rentabiliser une usine d’extraction”, note-t-il.
Il précise également que la majorité des usines de transformation dans le monde ne se limitent pas au carraghénane, mais traitent aussi d’autres texturants comme la pectine ou la gomme de guar. Selon lui, pour que Madagascar puisse se positionner sur la transformation, la production locale devrait atteindre au moins 5.000 à 10.000 tonnes par an.
Une mobilisation pour la relance
Malgré les dégâts considérables, Ocean Farmers s’organise avec ses partenaires pour apporter une réponse d’urgence aux fermiers touchés, notamment en distribuant des vivres. La reprise des activités se fera progressivement dans les mois à venir, avec la reconstruction des magasins de stockage et des tables de séchage, ainsi que la distribution de matériels, d’équipements et de nouvelles boutures d’algues aux fermiers.
L’entreprise opère principalement dans les régions Atsimo-Andrefana, Menabe et Sava. Heureusement, “grâce à la diversité et la multiplicité des sites d’implantation, certains ont été épargnés par la catastrophe”, souligne Ocean Farmers.
Cette résilience sera essentielle pour permettre à Madagascar de maintenir sa place sur le marché de l’algoculture et, à terme, de développer une industrie de transformation locale. Toutefois, cette ambition dépendra de la capacité des acteurs du secteur à sécuriser davantage les infrastructures et à s’adapter à la multiplication des catastrophes climatiques.
Tiana Ramanoelina