Mercredi des idées en goguette: De la culture du blâme

Une artiste bien connue auprès des jeunes vient de secouer l’opinion publique sur les réseaux sociaux de­puis hier suite à la diffusion, probablement à son insu, d’une vidéo intime. Une vidéo qui a provoqué un véritable séisme sur la toile, mêlant scandale, indignation et jugement. Pourtant, au-delà du tollé, cette affaire reflète un problème de so­ciété bien plus vaste sur la manière dont nous percevons les victimes de violences se­xuels.
En effet, le premier réflexe de nombreux internautes a été de pointer du doigt la victime. Plutôt que de condamner fermement l’atteinte à la vie privée et l’humiliation publi­que, certains se sont précipités pour juger l’artiste sur sa vie personnelle, ses fréquentations et ses choix de vie. Cet acharnement, cruel et souvent déplacé, témoigne d’une culture du blâme profondément enracinée.
Nous oublions trop souvent que les droits à la dignité et à la vie privée sont liés, et que toute diffusion non consentie d’images intimes, no­tamment en public, cons­titue en effet une infraction grave. Cette affaire expose aussi avec brutalité notre propension à juger plus facilement les victimes que les agresseurs. Au lieu de nous interroger sur les res­pon­sabilités des auteurs de la diffusion, nous préférons nous attarder sur la moralité présumée de la victime. Cette réaction en dit long sur notre incapacité à faire preuve d’empathie et de solidarité. Et c’est dommage.
Comment expliquer que dans une société qui prône le respect des valeurs humaines dite «fihavanana», nous soyons si prompts à condamner la victime plutôt que de dénoncer l’injustice subie ? Certes, les artistes portent une responsabilité particu­lière vis-à-vis de leur image publique. Mais cette responsabilité ne doit jamais servir de prétexte pour justifier une agression ou une atteinte à leur dignité. Les personnalités publiques, comme tout citoyen, ont droit au respect de leur vie privée.
Cette affaire doit en tout cas nous pousser à réfléchir sur plusieurs plans, comme l’éducation et la sensibilisation. Il est urgent de former les citoyens aux risques liés aux réseaux sociaux et à la nécessité de res­pecter la vie privée d’autrui. Plutôt que de jeter la pierre aux victimes, nous devrions aussi en­courager la solidarité et condamner sans réserve les agissements des au­teurs de ces actes.
Tant que nous n’aurons pas appris à soutenir les victimes au lieu de les juger, nous resterons complices d’une dynamique d’oppression qui nourrit l’impunité des agresseurs. Ceci étant, cette affaire est un appel à un changement de mentalité et à la construction d’une société plus respectueuse de la dignité de chacun.

Rakoto

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