Madagascar connaît une expansion rapide de la connectivité numérique, portée par un taux de pénétration mobile avoisinant les 50% et une adoption croissante d’Internet, notamment via les Smartphones. Ce développement ouvre la voie à l’essor des plateformes numériques, dont TikTok, qui séduit particulièrement la jeunesse. Toutefois, cette popularité s’accompagne de préoccupations liées aux impacts psychologiques de l’application et à son rôle dans la diffusion de fausses informations. Pour décrypter ces enjeux, Fabrice Lollia, docteur en Sciences de l’information et de la communication, nous livre quelques analyses.
*Les Nouvelles : TikTok est aujourd’hui l’une des plateformes les plus influentes. Pourtant, elle suscite des inquiétudes. Pourquoi ?
-Dr. Fabrice Lollia : TikTok a conquis 1,5 milliard d’utilisateurs, dont 15 millions en France, grâce à un algorithme puissant qui maximise l’engagement. Mais cette technologie soulève des questions sur la collecte de données, la manipulation de l’information et l’impact sur les jeunes. Certains gouvernements, comme les Etats-Unis, ont interdit l’application pour des raisons de sécurité même si la décision n’a pas été appliquée par le nouveau gouvernement en place. En Europe, la Commission européenne a lancé une enquête sur la protection des mineurs et la transparence publicitaire. En France, l’Assemblée nationale vient de valider l’ouverture d’une commission d’enquête.
* En quoi TikTok se distingue-t-il des autres réseaux sociaux ?
– Pour moi, la principale particularité de TikTok est son ultra-personnalisation, avec un algorithme qui privilégie un format de vidéos très courts. Cela permet un profilage très précis des utilisateurs et une collecte de données plus approfondie sur leurs préférences que sur les autres applications récréatives de ce type. Même si l’algorithme de TikTok a été partiellement dévoilé au grand public dans un article du NY Times, il est important de noter qu’une partie reste confidentielle, protégée par le secret industriel. Une étude de l’Integrity Institute de 2022 montre que TikTok amplifie davantage la désinformation que ses concurrents (sauf X). De plus, les vidéos courtes limitent la vérification des sources, limitent le raisonnement et renforcent les « bulles de filtre », enfermant ainsi les utilisateurs dans leur propre raisonnement.
* Quels sont les risques pour la jeunesse ?
– Ils sont multiples. Certains défis viraux, comme le Blackout Challenge, ont causé des accidents graves, parfois mortels. TikTok influence aussi les perceptions : selon une enquête de la fondation Jean Jaurès de 2023, 74% des jeunes de 18-24 ans sur TikTok croient à au moins une contre-vérité scientifique.
* Comment les gouvernements réagissent-ils ?
– Certains pays, comme l’Inde et les Etats-Unis, ont interdit TikTok pour des raisons de sécurité (l’application a été restaurée aux Etats-Unis). D’autres, comme l’Albanie, ont pris des mesures pour limiter le harcèlement en ligne limité à un an. En Europe, le Digital Services Act impose des obligations accrues en matière de transparence algorithmique et de protection des mineurs. La Commission européenne a ouvert une enquête en 2024 pour évaluer la conformité de TikTok à ces règles.
* Une interdiction de TikTok est-elle envisageable en France ou à Madagascar ?
– En Europe, une interdiction totale serait complexe. L’UE privilégie plutôt la régulation. En France, l’Assemblée nationale a lancé une commission d’enquête. A Madagascar, le débat n’est pas encore sur la table. Toutefois, l’essor du numérique impose de renforcer l’éducation aux médias pour sensibiliser les jeunes à la désinformation.
* Et qu’en est-il de la désinformation ?
– La désinformation n’est pas propre à TikTok, mais son format et son algorithme exacerbent ce phénomène. La réponse doit être collective : régulation, éducation et responsabilité des plateformes.
Propos recueillis par Arh.
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