La taxation américaine de 47% entre en vigueur dans 90 jours indique le rapport du conseil des ministres de mercredi. Les autorités malagasy multiplient les réunions avec la partie américaine. Parallèlement, les responsables et opérateurs issus de divers secteurs économiques nationaux se succèdent pour exprimer leurs inquiétudes.
“L’augmentation significative des droits de douane (47%) rendra les produits malgaches beaucoup plus chers pour les consommateurs et les entreprises américains. Cela pourrait entraîner une réduction de la compétitivité des produits venant de Madagascar et, à terme, de convaincre les clients américains à se tourner vers des alternatives moins coûteuses provenant d’autres pays, ou alors de producteurs locaux. En conséquence, les exportations de Madagascar vers les Etats-Unis risquent de diminuer fortement, ce qui affecterait directement les secteurs économiques les plus exposés, comme l’agriculture (notamment dans les filières vanille et café), les produits textiles et le secteur minier” explique, Andriatahina Rakotoarisoa, économiste.
“La situation se présente mal », regrette Georges Geeraerts, président du Groupement des exportateurs de vanille de Madagascar (GEVM). « Même si les Etats-Unis ne représentent que 15% de l’exportation de Madagascar, dans ces 15%, il y a la vanille dont 70% de la production partent vers le marché américain”, explicite-t-il.
Le président du GEVM craint donc une perte de compétitivité de la vanille de Madagascar. “Nous vendons la plus grosse quantité de vanille et nous avons des concurrents qui, ensemble, seront capables de répondre à la moitié de cette demande. Avec un stock à l’extérieur qui est assez important, il pourrait y avoir une réticence à acheter à Madagascar avec cette situation de frais supplémentaires”, poursuit-il, avant d’ajouter que “Les produits malagasy ne seront plus compétitifs étant donné que d’autres pays producteur de vanille sont taxés à 10% seulement”.
D’après les données, Madagascar a exporté 823 tonnes de vanille vers les Etats-Unis en 2022. Cette quantité a été de 434 tonnes en 2023, pour passer à 1.278 tonnes en 2024, sachant qu’en 2024, les Etats-Unis ont importé au total 2.600 tonnes de vanille.
Les clients américains qui se fournissent à Madagascar sont des industriels. Ce sont généralement des professionnels des arômes. D’après les précisions, les vanilles exportées vers les Etats-Unis sont destinées à l’extraction. Cela veut dire que les vanilles sont exportées sans la moindre transformation. Quand on évoque les éventuelles solutions : “Il va falloir être inventif et peut-être explorer de nouveaux marchés émergent” ajoute Georges Geeraerts,
“Il ne faut pas oublier que Madagascar produit la plupart des besoins en vanille dans le monde. Ce qui nous place en position de force”, rappelle pour sa part Lainkana Zafivanona Ernest, directeur général de la douane.
D’après Georges Geeraerts, l’une des solutions envisagées serait également de passer un peu plus par l’Europe. D’ailleurs, le Conseil National Vanille se réunit ce jour. D’autres acteurs de la filière vanille évoquent la transformation sur place même si force est de constater que cela ne sera pas pour tout de suite, puisque les industriels à Madagascar sont toujours confrontés à certains problèmes, pour ne citer que le coût élevé de la production sur place, ou encore le mauvais état des infrastructures. Certains envisagent de faire transformer la vanille brute en provenance de Madagascar dans des pays où la fiscalité est plus avantageuse, afin de l’exporter ensuite vers les Etats-Unis pour en tirer une marge, même minime. Mais dans tous les cas, globalement, “cette taxation pourrait diminuer les parts de marché des produits malgaches aux États-Unis”, note Andriatahina Rakotoarisoa.
Impact sur l’ensemble des exportateurs
L’économiste souligne que, d’une manière générale, les petites et moyennes entreprises (PME) malgaches risquent de subir un impact majeur de cette taxation. Selon lui, l’augmentation des coûts d’exportation, à travers les taxes et frais supplémentaires, rendrait difficile, pour beaucoup de PME, le maintien de leurs marges bénéficiaires, voire leur compétitivité sur le marché. Il a ajouté que certaines d’entre elles, notamment celles ne disposant pas des ressources financières ou logistiques suffisantes pour absorber ces nouveaux coûts, pourraient être contraintes de cesser leurs exportations vers les Etats-Unis.
Il précise par ailleurs que les grandes entreprises, ayant plus de ressources et des réseaux de distribution plus solides, auront probablement plus de facilité à absorber ces nouvelles taxes ou à les répercuter sur leurs prix. “Mais pour les petites entreprises, cela représente un défi considérable. Certaines pourraient également chercher de nouveaux marchés pour compenser la perte de compétitivité sur le marché américain”, ajoute-t-il.
Quelles stratégies pour contourner ou alléger ces barrières tarifaires ?
Selon Andriatahina Rakotoarisoa, plusieurs stratégies peuvent être envisagées par le gouvernement malgache et les acteurs économiques pour atténuer l’impact des nouvelles taxes imposées par les Etats-Unis. Il considère que la diversification des marchés d’exportation constitue une piste essentielle. Le pays gagnerait, selon lui, à réduire sa dépendance au marché américain en encourageant les exportateurs à se tourner vers d’autres zones, notamment l’Afrique, l’Asie ou l’Europe, où les droits de douane sont souvent moins élevés, voire inexistants.
Parallèlement, il insiste sur la nécessité de renforcer la compétitivité locale. Pour y parvenir, il préconise des investissements ciblés dans l’amélioration de la qualité des produits, la modernisation des infrastructures, ainsi que l’optimisation des processus de production. Ces efforts contribueraient à réduire les coûts de fabrication et à maintenir la compétitivité des exportateurs malgaches, malgré les nouvelles barrières tarifaires.
Il suggère également que Madagascar cherche à renégocier ses accords commerciaux avec les Etats-Unis, en mettant en avant les avantages d’un partenariat plus équilibré. Et d’évoquer notamment l’opportunité d’explorer des dispositifs préférentiels comme l’African Growth and Opportunity Act (AGOA), tout en précisant que cette initiative ne couvre peut-être pas les produits les plus touchés par la taxation.
L’économiste insiste aussi sur la nécessité d’un appui renforcé aux PME, avec la mise en place de dispositifs d’aide financière, de subventions ciblées ou encore de crédits d’impôt pour aider ces entreprises à absorber le choc, tout en soulignant l’importance de formations spécifiques pour renforcer leur compétitivité à l’international.
Enfin, Andriatahina Rakotoarisoa met en avant le rôle de l’innovation et la montée en gamme des chaînes de valeur. Il considère que les produits malgaches gagneraient à se positionner sur des segments de niche, notamment le bio, l’équitable ou de qualité supérieure afin de mieux répondre aux attentes du marché américain.
Tiana Ramanoelina