Mercredi des idées en goguette: Ivato, deux millions d’ariary et une leçon

Il fut un temps, pas si lointain, où les petits rackets dans les couloirs des aéroports passaient comme des ba­gages à main : discrets, tolérés, presque « normaux ». Mais voilà qu’à Ivato, le vent tourne un peu plus ces derniers temps. Pas une tempête encore, non. Juste une brise salutaire qui commence à déranger les vieilles habitudes.
Début février, un passager malchanceux, ou chanceux selon le point de vue, s’apprête à embarquer pour Du­baï. Passeport ? ok. Vi­sa ? ok. Billet ? ok. Mais voilà que quatre policiers de la PAF lui trouvent un « dernier petit souci » : deux millions d’ariary à sortir s’il veut vraiment monter dans l’avion. Sinistre classique. Mais cette fois, le film ne s’est pas arrêté au générique habituel.
Le passager paie. Une partie en espèces, l’autre par mobile money, avec l’aide de sa famille. Il embarque. Et puis, il parle. Il raconte. Les ré­seaux sociaux s’enflamment. Et contre toute attente… l’État réagit.
Oui, le Bianco s’est mis en marche, contrairement à l’appréhension de certains. Oui, le mi­nistre de la Sécurité publique a signé l’ordre de poursuite. Et oui, les quatre agents en question ont été arrêtés, dé­férés au PAC, et dorment désormais à An­tanimora. Une affaire de ce « petit » calibre, di­raient certains. Et pourtant, c’est exactement là que réside l’espoir.
Parce que c’est dans les « petites affaires » que naissent les grandes leçons. Parce que ce n’est pas la taille du pot-de-vin qui fait le scandale, mais le principe. Parce que si l’on commence à punir sérieusement les abus de pouvoir du quotidien, alors peut-être, un jour, on osera affronter ceux des étages supérieurs.
On ne va pas se mentir : le chemin est encore long. Les Ivato, les douanes, les bureaux obscurs où tout se négocie sous la table – ils sont encore nombreux. Mais cette affaire montre quelque chose : on avance. Len­tement, ou peut être maladroitement, mais on avance. Et ça compte.
D’autant que cette arrestation n’est pas passée inaperçue. Les remplaçants des quatre agents savent déjà à quoi s’attendre s’ils tentent de jouer au même jeu. Le message est clair : il n’y aura plus de business à l’aéroport.
Cela dit, la lutte contre la corruption ne se gagnera pas forcément en une bataille spectaculaire. Elle se gagnera petit à petit, et en arrêtant ceux qui pensaient que deux millions d’ariary étaient un simple
« bonus voyage ».
Alors oui, c’est peut-être une petite victoire. Mais elle a le goût rare de la justice rendue. Et dans un pays qui en a tant besoin, c’est déjà énorme.

Rakoto

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