Dessaisonalisation : le pari des 30% de croissance dans le tourisme

Dans le secteur du tourisme, la période de la basse saison s’étale du 20 décembre au 15 avril. Parallèlement, dans l’aviation, on considère qu’il y a deux périodes de basse saison. La première s’étend du premier janvier à fin mars et la seconde, de mi-septembre à mi-novembre.

La basse saison touristique a été instaurée volontairement il y a plus d’une vingtaine d’années par les acteurs du tourisme de l’époque en raison de la période cyclonique et d’autres aléas climatiques. Aujourd’hui, le secteur, notamment l’hébergement et la restauration, milite pour une dessaisonalisation.

“Aujourd’hui, toutes nos îles voisines n’ont plus de basse saison. D’ailleurs, la période du 20 décembre au 15 avril est la haute saison à l’île Maurice alors que celle-ci vit quasiment dans les mêmes conditions météorologiques que Madagascar. Effectivement, ce sont des îles avec des typicités différentes. Elles sont plus petites et donc plus faciles à gérer avec des infrastructures”, indique Johann Pless, président de la Fédération des Hôteliers et Restaurateurs de Madagascar (Fhorm).

D’après les explications de cet opérateur, depuis quatre ans, le secteur du tourisme (public et privé) est en train de poser les bases de la dessaisonalisation. “L’idée est d’avoir une saison régulière toute l’année. D’ailleurs, le vivier de touristes, pour augmenter notre capacité et nos ventes, se trouve dans ces dates (entre le 20 décembre et le 15 avril). Aujourd’hui, de plus en plus d’hôtels, notamment à Nosy Be, et dans les autres zones littorales en général, voudraient rester ouverts sur cette période avec les contraintes qui peuvent se présenter. Par exemple, si la mer n’est pas bonne ou s’il y a un cyclone au Nord, on peut rediriger les touristes au Sud et ainsi de suite”, explique-t-il. Pour l’heure, des établissements, notamment sur les zones côtières Nord-Ouest, ferment durant la basse saison. L’occasion également pour eux de se reposer et d’entretenir les lieux. “De plus en plus d’hôteliers voudraient augmenter la fréquentation et ne plus fermer aussi longtemps”, ajoute le président de la Fhorm.

D’après lui, plusieurs solutions sont sur les rails. A commencer par communiquer sur le fait que Madagascar n’a plus de saison. “Cela veut surtout dire que la destination doit être ouverte toute l’année et ce, avec des produits variés. Quand le temps est mauvais, on peut vendre des circuits un peu plus terrestres. Bien entendu, il faut commercialiser et continuer la promotion à l’international et en national”, souligne-t-il. Ensuite, “Il faut procéder à l’entretien toute l’année. Il faudrait peut-être voir le modèle économique salarial, c’est-à-dire avoir du personnel qui tourne sans s’essouffler”.

En effet, pendant la basse saison, certains établissements ferment temporairement, mais pas pour la même durée. Cette fermeture peut aller de 2 à 4 mois. “C’est donc une période assez critique dans la mesure où elle impacte l’activité économique et l’emploi. L’objectif de la dessaisonalisation serait aussi de faire en sorte que les collaborateurs puissent continuer à travailler au lieu de rester inactifs trop longtemps. Cela suppose aussi de repenser la gestion économique, les salaires et la charge de travail (…) Il va de soi que tout levier, notamment financier, pourrait être bénéfique à désaisonnaliser”, poursuit Johann Pless. “On pourrait faire 30% de plus de ventes et atteindre des objectifs supérieurs à 450.000 touristes très rapidement, c’est-à-dire en 2026” note-t-il.

Des belles perspectives à l’horizon

Selon le Président de la Fhorm, les perspectives pour 2025 sont “plutôt bonnes”. Il évoque notamment les réservations à Ranohira. “Nous travaillons avec le ministère des Transports, et celui du Tourisme pour agrandir l’aéroport de Toliara pour fin 2026. L’objectif étant d’accueillir des vols internationaux”, fait-il savoir. “Grâce à ce projet, cette région sera pratiquement indépendante par rapport aux routes. On pourrait vite s’attendre à une hausse effective des touristes pour la région. Si on a plus d’avions, on peut effectuer des boucles Sud. Donc Toliara-Morondava, ainsi que Taolagnaro”.

Le président de la Fhorm explique que Nosy Be reste un moteur du tourisme à Madagascar, avec une augmentation continue des vols internationaux. Selon lui, ce dynamisme pourrait ouvrir “une boucle nord”, desservant également la Sava et Antsiranana en partant de Nosy Be.

Il considère que les perspectives sont positives, mais qu’il est désormais essentiel de les concrétiser. En matière de transport aérien, l’opérateur précise que la fédération demande depuis deux ans au moins six avions de 70 places en service. A l’heure actuelle, cinq appareils sont disponibles, dont un en back-up. Cela signifie que quatre sont réellement opérationnels. Il insiste donc sur la nécessité d’avoir deux avions supplémentaires pour couvrir les besoins, notamment sur les lignes intérieures.

Johann Pless souligne par ailleurs que Tsaradia opère aujourd’hui selon une logique en étoile, avec un passage systématique par Antananarivo pour tous les vols. Or, cette organisation ne répond plus aux attentes des professionnels du tourisme. Il indique que la fédération propose, depuis plus de 18 mois, d’adopter une autre approche : celle des boucles régionales. Il cite en exemple les touristes présents à Toliara qui souhaitent pouvoir visiter Morondava et Taolagnaro.

L’opérateur estime qu’il est impératif de développer des liaisons aériennes directes régionales. Selon lui, cela permettrait de contourner la problématique des routes et de faciliter les déplacements. Il appelle Tsaradia à adapter sa stratégie commerciale pour rendre ces boucles possibles, sans devoir systématiquement repasser par la capitale.
Même s’il reconnaît l’effort de Tsaradia, qui applique actuellement une réduction de 75% sur les billets avec escale à Tananarive, il précise que le problème n’est pas principalement lié au prix. Ce sont surtout les pertes de temps, les retards, les annulations et les complications logistiques qui freinent les touristes. “Il est illogique de faire six heures de trajet pour 40 minutes de vol, comme entre Nosy Be et Antsiranana”, rappelle-t-il.

Enfin, Johann Pless affirme que les échanges avec Tsaradia restent constructifs, mais insiste sur l’urgence de prendre en compte l’expérience des clients, au-delà des considérations économiques internes.

Tiana Ramanoelina

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