Mercredi des idées en goguette: Et si, pour une fois, on essayait d’être réalistes ?

Ces derniers temps, la question des îles Eparses est revenue dans l’actualité nationale. Le sommet des Chefs d’État des pays membres de la Com­mission de l’océan Indien y a contribué, en ravivant ce dossier sensible. Comme souvent, la presse locale s’en est emparée, et certains responsables politiques y ont trouvé un nouveau prétexte à polémique.
Ce regain d’intérêt est notamment dû à une déclaration du président français évoquant, de manière à peine voilée, une possibilité de cogestion de ces îles. Ce mot, “cogestion”, reste ta­bou pour certains mais apparaît pourtant com­me une option réaliste pour d’autres. Et si on se posait franchement la question : avons-nous vraiment le choix aujourd’hui ?
Sur le plan juridique, les résolutions des Na­tions Unies en faveur de Madagascar sont claires. Elles affirment la souveraineté malgache sur ces îles. En théorie donc, le débat est clos. Mais dans la pratique, un autre problème persiste : celui des moyens. Car revendiquer une souveraineté est une chose, mais être en capacité de l’exercer concrètement en est une autre.
En 2019 déjà, un ministre des Affaires étrangères avait eu le courage de rappeler que Madagascar ne disposait pas des moyens nécessaires pour sécuriser ou exploiter ces îles. L’urgence nationale est ailleurs, notamment dans l’éducation, la san­té, les infrastructures de base. Ce constat reste tristement d’actualité. Est-ce que les habitants de Betroka, d’Andapa ou de tout autre coin reculé du pays se sentent con­cernés par les Iles éparses ? La réponse est simple : non, ou très peu. Pour la majorité des
M­­algaches, les préoccupations quotidiennes sont bien plus urgentes et concrètes.
Cela ne signifie pas qu’il faut abandonner la cause ou baisser les bras. Mais il faut aussi savoir hiérarchiser les priorités. La souveraineté s’exerce d’abord par la capacité à répondre aux besoins fondamentaux de sa population. Il ne sert à rien de brandir des revendications si l’on n’a pas les moyens de les assumer. Le ris­que est même de détourner l’attention de l’essentiel.
Comme l’avait dit un président français à propos du climat : Notre maison brûle et nous regardons ailleurs. Eh bien, nous aussi, notre maison brûle. Les défis sont immenses : pauvreté, insécurité, éducation, accès à l’eau potable, corruption, chômage… La liste est longue.
Être réaliste ne veut pas dire renoncer. Cela veut dire adapter notre stratégie, et penser à long terme tout en traitant les urgences du présent. La souveraineté ne se décrète pas : elle se construit, pas à pas.

Rakoto

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