La filière énergie de cuisson propre dispose d’un potentiel non négligeable. Pourtant, les opérateurs font face à de nombreuses instabilités. Marie Louise Schmidt Rasoamanahirana, présidente de Madagascar Clean Cooking Initiative et gérante fondatrice de Biogasikara Energy fait le point.
Dans quoi Madagascar Clean Cooking Initiative (MCCI) œuvre-t-il ?
MCCI est un groupement professionnel qui a été créé en octobre 2024. Il rassemble 52 entités repartis sur 13 régions de Madagascar. Les membres œuvrent dans la production d’énergie propre destinée à la cuisson ou à l’électricité. La plupart des adhérents sont des TPE (Très petites entreprises) et PME (Petites et moyennes entreprises). Par ailleurs, des associations et ONG qui opèrent dans la filière sont également membres du groupement. Ils nous aident à nous faire connaître et à développer la filière.
En somme, nos membres proposent des alternatives au bois de chauffe et au charbon traditionnel. Ils produisent du biogaz provenant des déchets ménagers. D’autres proposent des briquettes et du charbon écologique issus de déchets agricoles et forestiers ou du biodiesel.
Comment le marché se porte-t-il aujourd’hui ?
Le marché est très vaste et dispose d’un énorme potentiel. En effet, d’après les statistiques, 95% des Malagasy utilisent le charbon traditionnel et le bois de chauffe. Cela veut dire que seuls 5% optent pour la cuisson propre comme le gaz ou les autres alternatives qui respectent l’environnement. Il y a une réelle opportunité, mais nous avons affaire à d’innombrables défis. A Madagascar, la filière est nouvelle et pas encore très connue. Son développement nécessite donc une grande sensibilisation.
Faire connaître les produits au grand public est un grand défi. Il est évident que le secteur privé n’y arrivera pas seul. Dans ce sens, l’Etat et les partenaires techniques et financiers doivent nous prêter main forte. La rentabilité de chaque entreprise dépend surtout de la zone où elle est implantée. A Madagascar, il y a des endroits où les bois de chauffe sont disponibles et gratuits. Et dans ces zones, il est très compliqué de faire adopter la solution que nous proposons. Les coûts de production pour fabriquer du charbon traditionnel et du charbon écologique ne sont pas les mêmes. En revanche, dans les régions où le charbon et le bois de chauffe sont chers, les gens commencent à s’intéresser à l’énergie propre.
Les équipements nécessaires sont-ils accessibles à Madagascar ?
Parmi nos membres, certains peuvent concevoir des équipements de production de charbon écologique. Toutefois, nous sommes obligés de recourir à l’importation de machines quand on vise une production industrielle. L’objectif est surtout de produire davantage et d’améliorer l’économie. Parallèlement, nous cherchons aussi des moyens pour permettre aux opérateurs d’améliorer la qualité de leurs produits. A ce propos, la norme pour le charbon écologique, émanant du Bureau des Normes de Madagascar, est déjà en vigueur. Chez Madagascar Clean Cooking Initiative, nous voulons que tous les produits respectent les normes et pourquoi pas dotés un label MCCI.
Quel a été l’issue du dernier salon des déchets auquel vous avez activement participé ? Concrètement, qu’attendez-vous de l’Etat pour booster la filière ?
Ce salon nous a permis de montrer que les alternatives sont nombreuses. Mais ces solutions ont besoin d’accompagnement. Il faudrait discuter et mettre en place des dispositions telles que des incitations fiscales. On produit de l’énergie propre mais quand on importe un équipement de production, on ne bénéficie pas d’exemption fiscale. Alors que l’importation des panneaux solaires bénéficie de certains avantages fiscaux. C’est un réel blocage pour la filière.
La production d’énergie propre est-elle facilement finançable ?
C’est un secteur où la rentabilité est assez difficile. L’accès au financement reste un défi. Etant donné que c’est une filière toute nouvelle, les banques considèrent que c’est un secteur à haut risque. Face à cela, nous sommes dans l’obligation de recourir à des subventions, mais pour y accéder, les critères des bailleurs sont très exigeants. Tout cela bloque les petits producteurs. Leur fournir des formations et des renforcements de capacités font partie intégrante de nos missions chez MCCI. L’idée est de faire en sorte que les opérateurs disposent des capacités requises pour bénéficier de ces subventions pour financer leur projet.
Pour votre part, comment avez-vous contourné ce blocage au niveau du financement ?
Je dirais que le réseautage est très important. Aujourd’hui, à part le fait d’être la présidente du MCCI, je fais également partie de plusieurs entités nationales et internationales. Je suis des programmes de mentorship au sein du Clean Cooking Alliance. C’est grâce à cela que je développe les relations nécessaires et que j’accède à des informations. J’ai déjà été lauréate de plusieurs concours pour accéder à des financements.
Tiana Ramanoelina