Mercredi des idées en goguette: Chronique d’un monde parallèle

Ailleurs, les députés français viennent de voter un texte sur… la mort. Rien que ça. Un projet de loi historique sur l’aide à mourir, pour permettre à chacun de choisir sa sortie de scène, dignement, avec musique douce, soins palliatifs, et tout ce qu’il faut pour partir proprement. Une ré­forme de civilisation, nous dit-on. Ils sont comme ça, les Fran­çais : quand ils font une loi, c’est pour l’éternité.
Ici, à Madagascar, nos élus ont tranché aussi. Pas sur comment mourir, mais plutôt sur comment… mieux boi­re. Eh oui, pendant que certains débattent de la fin de vie, nous, on organise la vie bien remplie de toaka gasy, évidemment.
Le toaka gasy, c’est notre rhum national, notre potion magique, notre héritage liquide. Longtemps relégué dans les coins sombres, bu en cachette dans des bouteilles anonymes, parfois même recyclées de l’huile de moteur, le voilà enfin au centre des dé­bats de l’Assemblée nationale. Les députés ont adopté une proposition de loi pour encadrer sa production et sa commercialisation. En gros, fini le toaka au pif, vive le toaka avec étiquette, certification et peut-être même, un jour, une pu­blicité à la télé ! Pour­quoi pas.
Les défenseurs du texte expliquent qu’il fallait protéger cette filière artisanale. « Le toaka gasy, c’est notre fierté », ont-t-ils martelé. Et ils ont raison : qui n’a jamais vu un proche danser pieds nus dans un événement familial après deux ou trois verres ? Un patrimoine vi­vant, on vous dit !
L’objectif est noble, il s’agit d’assurer la qua­lité, de protéger les producteurs, d’éviter les accidents… et surtout, permettre à nos bouteilles locales de rivaliser avec les spiritueux étrangers. Imaginez un jour : Toaka Gasy – Médaillé d’or au Salon international de Bruxelles. Bon, on n’y est pas encore, mais on avance.
Et pendant ce temps-là, en France, ils se de­mandent s’il faut pouvoir demander à mourir quand la vie devient trop dure. Nous, on se dit qu’un petit verre aide parfois à supporter la dureté de la vie. Deux façons de gérer la souffrance : eux, avec compassion légale ; nous, avec fermentation artisanale.
Alors, ici et ailleurs, on fait des lois. Des lois sérieuses, parfois très sérieuses… ou parfois un peu joyeuses. Mais au fond, ça parle toujours de liberté, la liberté de partir comme on veut, ou celle de vivre avec ce qu’on a, avec un petit verre (étiqueté) à la main.
Et entre nous, pour affronter le quotidien, on n’a peut-être pas de loi sur la fin de vie, mais au moins, on aura du toaka gasy… bien encadré.

Rakoto

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