Mercredi des idées en goguette: Matière à réflexion

Il y a des visites officielles qui passent ina­perçues, et d’autres qui méritent qu’on s’y attarde, ne serait-ce que par la curiosité qu’elles suscitent. Celle de la présidente slovène à Madagascar de­puis deux jours entre indéniablement dans cette seconde catégorie.

Avouons-le franchement, les relations bilatérales entre Madagas­car et la Slovénie sont encore à l’état em­bryon­naire, pour ne pas dire amicalement cordiales mais sans grandes ambitions, du moins pour le moment. À part quelques férus de géopolitique, qui peut vraiment situer la Slovénie sur une carte sans hésiter ? Probab­lement pas beaucoup. Toujours est-il que c’est la deuxième fois qu’un président d’un pays de l’Europe effectue une visite d’Etat cette année, après celui du président Macron. C’est donc un signe que le pays et ses dirigeants s’entendent bien avec les autres nations. Une bonne chose donc.

Mais là où les choses deviennent intéressantes, c’est lorsque, dans son discours officiel, la présidente slovène évoque à plusieurs reprises… le Père Pedro. Et pas juste en passant. Ce religieux argentin d’origine slovène est visiblement devenu l’ambassadeur officieux du lien entre les deux nations. Et pour cause, son œuvre humanitaire à Mada­gascar est immense. Il a sorti des milliers de personnes de la misère, bâti des villages entiers, et offert un avenir à ceux que les dirigeants successifs ont trop souvent oublié.

Il est donc devenu une étape quasi-obligatoire pour les dirigeants étrangers en visite sur la Grande Île. Un arrêt à Akamasoa, c’est devenu désormais incontournable. Et c’est là que le bât blesse. Car si Père Pedro est célébré, et à juste titre, pour son engagement, son succès souligne en creux l’échec persistant des politiques en matière de lutte contre la pauvreté. Quand un prêtre étranger devient le symbole de la réussite sociale d’un pays, cela interroge. Cela devrait faire réfléchir.

Comme le faisait remarquer un internaute avec une pointe d’ironie: si les présidents étrangers se pressent chez lui, c’est que la pauvreté, elle, est toujours bien installée. Eh oui, il ne s’agit pas ici de blâmer Père Pedro, bien au contraire. Il mérite toutes les reconnaissances et honneurs qu’on lui accorde. Mais c’est aux gouvernants de faire en sorte qu’il ne soit pas le visage de l’espoir dans le pays. Il est temps que Madagascar offre d’autres symboles, d’autres réussites. Mais avant, il faut faire face aux défis du développement, et que le pays puisse écrire après un autre récit basé sur la réussite. Et ça, ce n’est pas une mince affaire.

Alors oui, cette visite slovène donne matière à réflexion. Elle nous rappelle que derrière les poignées de main officielles et les discours bien tournés, il y a un pays qui cherche encore son modèle et c’est Madagascar bien évidemment. Un pays qui a besoin d’une politique cohérente pour que l’aide humanitaire ne soit plus un palliatif, mais un tremplin vers un avenir meilleur.

Rakoto

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