Comment passer du statut de survivante à celui de battante, nourrissant toute sa famille et faisant grandir son entreprise au fil du temps ? Découvrez l’histoire de Voahirana Raharimalala, également connue comme la prédicatrice des légumes sains.
Quand on pense à une femme d’affaires, on imagine souvent celles que l’on voit dans les films ou sur les pages de magazines : élégantes, en tailleur, portant des talons hauts, des lunettes et des montres de marque. Mais ce n’est pas le cas de Voahirana Raharimalala. Cette mère de famille de cinq enfants mène une vie discrète au quotidien, et pourtant, son parcours inspire sa famille et son entourage. Elle porte des sandales, un pull, une jupe par-dessus un pantalon, un bonnet, et enfin, le traditionnel “lambahoany” des mamans rurales qui recouvre ses hanches jusqu’à ses pieds. Dans son univers, on dirait qu’il fait toujours froid. Voahirana Raharimalala est une femme d’affaires au style unique. Son bureau n’est pas un espace classique rempli de téléphones et de réunions, mais plutôt les champs, le marché et la ville. Ses terrains de négociation sont les étals où elle vend ses légumes frais. Elle tient un point de vente au marché de Talatamaty et se rend régulièrement en ville pour effectuer des livraisons. Son secrétaire n’est autre que son fils cadet, à qui elle a transmis les secrets du métier. Aujourd’hui, il est capable de la remplacer en son absence.
Elle gère également son argent à sa manière. Armée d’un petit carnet, elle anticipe les dépenses et dresse un bilan de ce qui a été dépensé. Pas besoin d’ordinateur ou de matériel informatique, sa comptabilité se fait simplement avec un stylo et du papier. Elle a embarqué toute sa famille dans son petit business, et cela fonctionne bien, car leur vie s’est nettement améliorée. Si vous venez à son point de vente à Talatamaty, elle ne se contentera pas de vous vendre deux ou trois kilos de légumes ; elle vous fera une véritable prédication sur ses fameux légumes, pas comme les autres. “Ce sont des légumes cultivés sans produits chimiques, avec une méthode des plus traditionnelles, ce qu’on appelle “ady gasy”“, explique-t-elle. L’”ady Gasy” s’inscrit dans le concept de débrouillardise malgache. Parmi les méthodes, on trouve le mariage de légumes pour prévenir les attaques d’insectes, la rotation des cultures, ou encore l’utilisation de mélanges organiques pour créer des remèdes naturels contre les ravageurs et les adventices.
L’histoire de Voahirana Raharimalala commence alors qu’elle quitte son travail pour se lancer dans l’inconnu. “J’ai travaillé dans une entreprise de confection avant de devenir maraîchère. Je gagnais à peine le salaire minimum. À un moment donné, mon fils a eu des problèmes de santé qui m’ont conduite à m’absenter fréquemment et ont nécessité des soins coûteux. Cela a créé des conflits avec mon patron de l’époque. J’ai réalisé que le travail à plein temps n’était pas la solution idéale pour moi, alors je me suis lancée dans la vente de légumes. J’ai quitté mon travail et commencé à acheter des légumes auprès de collecteurs pour les revendre au marché. Au début, les bénéfices étaient maigres, mais avec le temps, j’ai rencontré des personnes qui m’ont aidée à progresser. Un projet en particulier m’a appris des techniques agroécologiques, c’est-à-dire cultiver tout en étant respectueux de l’environnement. Grâce à ces nouvelles méthodes, je me suis lancée dans la vente de légumes plus sains, qui se vendent mieux d’ailleurs”. Voahirana Raharimalala ne s’est pas seulement arrêtée à ce qu’elle a pu apprendre dans le cadre de ce projet. Elle voit loin et développe son affaire. Un jour, elle rencontre une cliente qui lui demande de faire une livraison à domicile. Cette cliente fait ensuite sa publicité auprès d’une autre cliente, et ainsi de suite. Voahirana passe alors d’agricultrice et vendeuse à livreuse de légumes. “J’ai un agenda de livraison bien rempli, du lundi au vendredi”, explique-t-elle. Aujourd’hui, la commerçante se déplace de lieu en lieu, vendant ses fameux légumes agroécologiques dans différents quartiers de la capitale.
Mais son quotidien est bien plus passionnant que cela. En plus d’être une vendeuse, Voahirana Raharimalala est aussi une influenceuse à sa manière. “Je suis contente, je ne suis plus une simple vendeuse, je suis une prédicatrice. Chaque fois qu’un client vient, je vante les valeurs de mes produits et je m’assure qu’il en soit pleinement convaincu. Ils sont plus sains, mais également plus savoureux par rapport aux autres légumes. Je lui dis d’acheter, d’essayer et de revenir me voir après, et presque à chaque fois, cela fonctionne. Les clients reviennent et parlent de moi à leurs amis”, témoigne la mère de famille. Quand elle regarde en arrière, Voahirana Raharimalala a du mal à croire tout le chemin qu’elle a parcouru. Mais qui dit femme rurale dit femme battante. Aujourd’hui, elle tient sa famille à bout de bras grâce à sa petite entreprise.
Nambinina Jaozara