Guide moral ou source de tensions ?

Ont-ils totalement tort ? Et si nous les écoutions à tête reposée ? On parle ici des chefs religieux qui, ces derniers temps, fustigent la situation sociopolitique du pays. De­puis quelques semaines, en effet, les res­ponsables au sein du Conseil œcuménique des Églises chrétiennes de Madagascar, dans leurs prises de parole, n’hésitent pas à pointer du doigt les différents maux qui minent le pays, notamment la cherté de la vie ou encore les difficultés d’accès aux besoins fondamentaux de la population. Bien que certains messages ne visent pas directement telle ou telle personnalité, les chefs religieux ont, sans surprise, es­suyé les critiques acerbes de certains en particulier dans les réseaux sociaux.
A ce propos, il est évident que l’histoire sociopolitique récente a laissé des traces. L’église et l’Etat à Madagascar, c’est en effet l’histoire d’une relation à la fois dangereuse et salutaire, selon les contextes. Cette réalité a été confirmée au cours des deux dernières décennies. Et les récentes prises de position des chefs religieux n’ont pas été accueillies que par des applaudissements. Loin de là. Les réactions se sont multipliées, frôlant parfois l’irrespect envers des figures censées représenter la droiture et l’intégrité.
Pour autant, les res­ponsables des églises traditionnelles ne sont pas exempts de reproches. Les comportements de certains, ces dernières années, ont suscité des interrogations. On pourrait citer, par exemple, un chef religieux aperçu à la sortie d’une chambre de… massage, ou encore les prises de position politique excessives de certains leaders. À ce titre, les déclarations faites en 2023 par un pasteur à Antsonjombe, devant un parterre de personnalités étatiques, continuent de marquer les esprits. Une prise de position qui, selon beaucoup, n’aurait pas dû avoir lieu et qui a contribué à détériorer davantage les relations entre les res­ponsables étatiques et les églises.
Le rôle de l’Église dans la sphère publique en tant que guide moral, reste un sujet sensible. Dans un pays où une majorité de la population se revendique chrétienne, les chefs religieux ont une influence cer­taine, non seulement sur leurs fidèles, mais éga­lement sur l’opinion publique en général. Cela leur confère une responsabilité considérable, mais aussi une exposition aux critiques. Et donc leur prise de parole doit être pesée pour éviter toute ambiguïté.
Cela étant, malgré les hauts et les bas entre ces deux entités, il est indéniable que la paix dans un pays comme Mada­gascar dépend en grande partie d’une relation harmonieuse entre l’église et l’État. Pour l’instant, quels que soient les avis des partisans de tel ou tel camp, les églises peuvent encore servir de repère, et ses dirigeants doivent pouvoir dire tout haut ce que beaucoup pensent tout bas. D’ailleurs, à la lumière de la situation actuelle,
il est légitime de se demander si leurs déclarations sont totalement infondées. En effet, force est de constater qu’une partie non négligeable de la population ne man­ge toujours pas à sa faim aujourd’hui. Et ça c’est élémentaire.

Rakoto

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