Crise à l’horizon pour le textile

“Si l’on n’arrive pas à trouver une solution, les produits les plus impactés seront le textile et la vanille”, alerte le DG de la douane à l’issue d’une réunion d’information de l’autorité malagasy avec les responsables américains mardi dernier.

En effet, cette nouvelle taxation arrive alors que la renégociation de l’AGOA est toujours en cours.

A Madagascar, on recense 53 entreprises franches qui exportent aux Etats-Unis. Le Groupement des entreprises franches et partenaires (GEFP) rassemble 110 entreprises franches dont la plupart œuvre dans le textile. D’après Rindra Lova Ny Aina Andriamahefa, directeur exécutif du GEFP, 60.000 emplois risquent d’être touchés par cette taxation américaine, alors que la filière textile du GEFP compte entre 85.000 à 90.000 emplois directs.

Le pays exporte essentiellement du textile vers les Etats-Unis, l’Afrique du Sud et en Europe, notamment la France, le Royaume-Uni et l’Allemagne. Ces produits occupent une partie non négligeable sous l’AGOA. Selon les chiffres communiqués par le Comité Interministériel AGOA, les exportations de Madagascar n’ont cessé de croître depuis la crise du Covid-19, sauf en 2023 où une baisse de 18% a été enregistrée et durant laquelle la valeur des exportations sous AGOA s’élevait à 201 millions de dollars. En début de l’année 2024, la filière avait affaire à une exportation d’une valeur de 28 millions de dollars au mois de janvier contre 15 millions de dollars en 2023.

Premiers impacts

“Nous avons besoin de précisions techniques. A l’heure actuelle, il y a des conteneurs qui sont en route vers les Etats-Unis. On se pose des questions si la taxe de 47% est déjà applicable sur ces produits”, s’interroge quant à elle Béatrice Chan Ching Yiu, présidente du GEFP. Mais quoi qu’il en soit, cette taxe ne sera pas supportable d’après ce responsable et ni les entreprises, ni les clients ne s’y attendaient. D’après toujours ses dires, les contrats avec les clients et les prix ont déjà été négociés en 2024 et ce, alors même qu’“Il y a très peu de marge dans le textile”. “Afin de minimiser les impacts pour eux, des clients ont déjà décommandé et envisagent de se tourner vers d’autres fournisseurs plus intéressants pour eux. D’autres diminuent la quantité de leur commande, tandis que certains nous ont demandé de différer les commandes. Ils espèrent surtout que des solutions émergeront entre-temps”, poursuit la présidente du GEFP. Pour ce groupement, le plus important est de maintenir les emplois. “Nous avons déjà connu l’épisode Covid. Même si, aujourd’hui, le risque et le contexte sont différents, les chômages techniques et licenciements ne sont pas à écarter et, d’ores et déjà, les entreprises concernées ont déjà suspendu les recrutements pour l’instant”, souligne Béatrice Chan Ching Yiu.

D’après les explications du DG de la douane, la valeur des exportations effectuées par Madagascar vers les Etats-Unis représente une valeur de 733 millions de dollars. A l’inverse, les produits en provenance des Etats-Unis qui entrent à Madagascar représentent une valeur de 53 millions de dollars. Il y a donc un déficit de 678 millions de dollars.

Madagascar importe principalement du gaz (environ 18%), des véhicules, des équipements ainsi que quelques matières premières. De son côté, la Grande île exporte vers les Etats-Unis des produits textiles (environ 56%), de la vanille, des huiles essentielles, du chocolat et des produits miniers (environ 30%) d’après toujours le numéro un de la douane. “S’ouvrir à d’autres marchés est toujours opportun. Quand un pays fait face à un déficit commercial, il faut prendre en compte plusieurs paramètres, dans les négociations, comme le tarif, par exemple (…). L’Union européenne qui est notre premier partenaire commerciale, dispose d’accords de facilitations des échanges avec l’Afrique, Caraïbes, Pacifique. Ces accords facilitent les échanges en exemptant de taxe les produits. Il est tout à fait envisageable de faire pareil avec les Etats-Unis qui est notre deuxième partenaire commercial”, relève le DG de la douane.

Effectivement, l’Union européenne demeure le premier partenaire commercial de Madagascar. En 2023, près de 30% des exportations malgaches étaient destinés à l’Union européenne et, en valeur, celles-ci ont atteint près de 50 milliards d’ariary, soit l’équivalent de 1 milliard d’euros. Cette dynamique commerciale s’appuie en grande partie sur l’Accord de Partenariat Économique (APE), en vigueur depuis 2012, ainsi que sur l’initiative européenne “Tout sauf les armes”, qui permettent à Madagascar d’exporter sans droits de douane ni quotas vers le marché européen. Les exportations malgaches vers l’Europe couvrent une large gamme de produits : le textile représente 30%, suivi de produits agricoles variés (29,5%), de produits industriels diversifiés (25%) et de produits halieutiques (15%). En outre, le nickel connaît également une croissance soutenue sur les marchés européens.

Tiana Ramanoelina

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