Faits d’hier, frissons d’hiver

La capitale entre doucement dans la saison fraîche. Les pulls sont ressortis, les bouillottes reprennent du service, et les nuits s’allongent en silence. Mais ces derniers jours, le froid n’est pas venu seul. Il s’est installé avec un cortège de nouvelles sombres, glaciales, comme si les faits divers s’étaient donné rendez-vous avec l’hiver pour mieux nous faire frissonner.
Des accidents par ici, des meurtres par là. Des drames, des histoires venues nous rappeler à quel point la vie peut basculer sans prévenir. Ces derniers temps, plusieurs faits divers, ou devrions-nous dire faits d’hier, qui laissent un goût amer dans l’actualité mais plus encore pour les familles endeuillées.
A Antohomadinika, un quartier populaire de la capitale, c’est le silence d’une fillette de huit ans qui a brisé celui des adultes. Raissa, petite étoile partie trop tôt, a été retrouvée sans vie, recroquevillée dans un sac. Une lettre déposée sur le rebord d’une fenêtre évoque une vengeance familiale. Les mots sont terribles, presque irréels. Dans ce quartier vivant, souvent bruyant, cette affaire fait l’effet d’un gel soudain : tout le monde s’interroge, personne ne comprend. Les proches décrivent une famille sans histoires, pieuse, paisible.
Un peu plus loin, sur la RN4, entre Mane­rinerina et Ankazobe, c’est un bus rempli d’espoir qui s’est retrouvé dans le ravin. Vingt étudiants revenaient d’un voyage d’études, certains parlaient déjà de leur mémoire, d’un avenir à bâtir. Deux ne rentreront plus jamais. Le chauffeur, quant à lui, a disparu. Là encore, l’incompréhension domine. Quand l’apprentissage de la vie se termine par une leçon brutale de la route, on se demande ce qu’on a manqué. Était-ce la vigilance, l’entretien du véhicule, ou simplement ce mauvais sort qui plane parfois sur nos routes nationales ? Et puis, il y a la rocade de Tsarasaotra.
Dimanche soir, une BMW percute un camion immobilisé. Bilan : un pilote de 30 ans, jeune figure du scoutisme, perd la vie. Quelques heures plus tôt, le même camion avait déjà fait une autre victime. Le froid s’infiltre aussi dans les détails de cette affaire : absence de signalisation adéquate, négligence, peut-être inconscience. Le poids lourd était là, planté comme un arbre au milieu du goudron, et la mort a cueilli deux vies, sans frapper à la portière.
Alors oui, la capitale entre dans l’hiver. Mais pas seulement par la météo. Il y a aussi ce froid social, cette insécurité rampante, ces vies qui se brisent sans prévenir. Entre des drames familiaux troublants, des infrastructures routières dépassées et une insouciance parfois fatale, on se demande si notre société ne traverse pas un petit âge glaciaire moral.

Aimé Andrianina

Partager sur: