Depuis le mois de mai dernier, le prix du gaz domestique a connu une hausse de 3,5%. Si cette augmentation peut paraître modeste sur le papier, elle intervient dans un contexte où la pression économique sur les ménages est déjà forte.
Le gouvernement évoque des raisons budgétaires et des ajustements fiscaux nécessaires, tandis que les conséquences de cette décision commencent à se faire sentir sur le plan social, économique et environnemental.
Une hausse liée à la fiscalité et au contexte international
La principale mesure à l’origine de cette hausse est inscrite dans la Loi de finances 2025. Celle-ci a porté la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) appliquée au gaz domestique de 5% à 10%. Une initiative présentée par l’Exécutif comme un levier indispensable pour accroître les recettes fiscales dans un contexte de déficit budgétaire chronique.
Mais cette hausse fiscale s’est traduite directement par une augmentation du prix de vente du gaz pour les consommateurs, sans différenciation entre catégories sociales. “Cette réforme fiscale est nécessaire pour équilibrer les comptes publics, mais elle a un impact immédiat sur le pouvoir d’achat”, confie un économiste.
A cela s’ajoute la dépendance structurelle de Madagascar vis-à-vis des importations. Le pays achète la quasi-totalité de son gaz domestique à l’étranger. Les prix mondiaux du butane ont récemment été tirés vers le haut en raison des tensions géopolitiques et des décisions de l’OPEP+ de réduire la production. Dans ce contexte, le coût d’achat à l’international se répercute mécaniquement sur le marché intérieur.
En parallèle, la chaîne de distribution nationale demeure coûteuse. Malgré une légère amélioration du taux de change (4.450 ariary pour 1 dollar), les frais logistiques comme le transport maritime, le stockage, la distribution qui restent élevés. Le secteur reste fragmenté, avec une multitude d’intermédiaires dont les marges contribuent à renchérir les prix à la pompe.
Des conséquences directes sur les ménages urbains
Le gaz domestique, bien que minoritaire face au charbon et au bois, gagne progressivement du terrain dans les centres urbains, où les foyers cherchent des solutions plus propres et pratiques. Mais la hausse de prix constitue une véritable barrière pour les familles à revenus modestes.
“Avant, je pouvais recharger ma bouteille tous les deux mois. Maintenant, je dois choisir entre cela et les frais de scolarité de mes enfants”, témoigne Noromalala, mère de famille.
Cette difficulté d’accès risque de pousser de nombreux ménages à se tourner de nouveau vers des sources d’énergie traditionnelles comme le charbon ou le bois. Une situation qui pourrait avoir des effets délétères sur la santé publique, mais aussi sur les ressources forestières déjà fragilisées du pays.
Les petites entreprises également touchées
Les petites unités économiques tels que les restaurants, les gargotes, les ateliers de transformation… sont nombreuses à utiliser le gaz domestique. Il représente une solution à la fois plus propre et plus stable que l’électricité ou le charbon.
Toutefois, la hausse actuelle a un impact direct sur leurs coûts d’exploitation. Plusieurs commerçants interrogés affirment avoir dû revoir leurs prix à la hausse ou réduire leur volume de production.
Cette situation risque à terme de freiner l’activité économique locale, de provoquer des pertes d’emplois et d’alimenter l’inflation dans certains secteurs.
Un frein à la transition énergétique
Le gouvernement a pourtant fait de l’usage du gaz domestique un pilier de sa stratégie environnementale. Dans un pays où plus de 90% de la population dépend encore du bois-énergie, promouvoir le gaz est une façon de limiter la déforestation et de protéger les écosystèmes.
Mais une augmentation mal calibrée des prix pourrait remettre en cause cet objectif. Si les ménages urbains se détournent du gaz au profit du charbon, les efforts de reforestation et de conservation menés ces dernières années risquent d’être anéantis.
Des solutions à envisager
Pour atténuer les effets de cette hausse, plusieurs pistes peuvent être explorées par les autorités. À court terme, l’instauration de subventions ciblées pour les ménages à faibles revenus permettrait de préserver leur accès au gaz. Des bons d’achat ou des réductions sur les bouteilles pourraient être distribués selon des critères sociaux bien définis.
Par ailleurs, le pays gagnerait à investir davantage dans des solutions alternatives, comme les cuiseurs solaires ou les systèmes de biogaz, notamment en milieu rural. Cela permettrait de diversifier les sources d’énergie et de réduire la dépendance aux importations.
Enfin, une rationalisation de la chaîne logistique, par la régulation des marges des distributeurs et la modernisation des infrastructures portuaires et routières, pourrait contribuer à faire baisser les coûts structurels du gaz.
Un tournant à négocier avec prudence
L’augmentation du prix du gaz domestique n’est pas un phénomène isolé. Elle illustre les fragilités du modèle énergétique malgache, encore trop exposé aux chocs extérieurs. Si l’objectif d’assainissement des finances publiques est légitime, il ne peut se faire au détriment de la stabilité sociale ni des objectifs environnementaux du pays.
Face à cette équation complexe, le défi pour les autorités sera d’agir avec pragmatisme : atténuer les effets sur les plus vulnérables, tout en poursuivant les réformes nécessaires pour construire une politique énergétique durable.
Andriatahina Rakotoarisoa