Les séquelles laissées par les restrictions liées au coronavirus, le conflit russo-ukrainien, l’inflation mondiale et le changement climatique… Tels sont les défis auxquels est confrontée l’économie mondiale dont fait partie Madagascar, même si notre Grande Île est en périphérie des systèmes financiers internationaux.
Justement, “l’économie de Madagascar face aux défis internationaux actuels”, a été le thème d’une conférence organisée par l’Association des Anciens de l’ENA et de l’INSP (Aaena Mada), mardi dernier à l’Institut Français de Madagascar. Plusieurs intervenants ont exposé leurs vues et proposé des solutions.
Olivier Ramiandrisoa, directeur général de l’économie et du plan auprès du Ministère de l’économie et des finances (MEF) a exposé les chocs et a mis en avant les opportunités que le pays pourrait saisir. “Madagascar a connu une reprise assez rapide avec un taux de croissance estimé actuellement à 5,7% d’après l’Institut national de la statistique. Après le Covid, toutes les économies ont élaboré des plans de relance. L’offre mondiale a souffert de séquelles liées aux restrictions qu’on a connues pendant le Covid et a eu du mal à suivre la demande. C’est cela qui est à l’origine de la grande inflation actuelle. Le conflit en Ukraine a accéléré l’inflation et la hausse du prix du fret. La part de la Russie et de l’Ukraine dans le commerce mondial est relativement faible mais concentrée sur quelques produits stratégiques”, expose le responsable qui se montre toutefois optimiste.
“Il y a toujours des opportunités, avec le changement climatique par exemple, depuis quelques années, on constate que la transition énergétique s’accélère. La demande en voitures électriques explose mais pour en produire, on a besoin de batteries. L’une des technologies les plus performantes est la batterie lithium. Selon son type, en anode, on a besoin de graphite, et en cathode, on a besoin de nickel et cobalt. Tous ces produits, on les retrouve à Madagascar ! Suite à l’accélération de cette transition énergétique, la demande de ces produits a explosé et évidemment l’exportation a augmenté”, explique-t-il.
D’après les dires de ce responsable, des opportunités se présentent au niveau de la demande. “Les biens importés deviennent plus chères, les gens se rabattent de plus en plus vers les biens produits au pays” constate-t-il. “Entre 2021 et 2022, l’importation de sucre a baissé de 55%, et celle de la pâte alimentaire a baissé de 47%. Est-ce que cela signifie qu’on a diminué notre consommation ? Deux petites unités de sucre se sont installées en 2022 et actuellement il y a deux industries sucrières quand on est en train de mettre en place”, clame le fonctionnaire. Ce regain de compétitivité, selon lui, est une occasion pour les industriels malgaches. “Si on regarde les statistiques sur la création d’unités industrielles enregistrées au niveau du ministère de l’industrie, la création passe de 8 unités en 2021 à 38 en 2022”, soulève-t-il.
Laza Andrianirina, le directeur général du Bianco est beaucoup plus alarmiste. “Vous ne pensez pas qu’on a atteint le fond là ?” s’interroge-t-il. “Le premier problème ici et je le dis avec force : c’est la corruption car elle est présente partout, à tous les niveaux et dans tous les secteurs” regrette-t-il.
“On constate une asphyxie en amont car les recettes de l’Etat ne rentrent pas correctement. Pour le peu qui entre, c’est l’hémorragie car il y a des détournements de deniers publics et du favoritisme dans les marchés publics. Au milieu, les pouvoirs publics se trouvent incapable de générer les externalités positives et favorables à la croissance économique”, avance le directeur général. Ce responsable ne manque pas de rappeler que l’économie informelle fleurit.
Le directeur général va plus loin “Sur le plan international, cette île est cible d’une attraction malsaine. De trafics en tout genre. Tous les jours, on entend partir ces mines stratégiques, pas seulement l’or et les pierres précieuses, mais finalement tout ! Car effectivement, il y a une forte demande, une forte pression au niveau mondial. Ces matières partent par des petites portes ou même des grandes portes. On parle de passeoire maintenant ! On parle aussi d’évasion fiscale et de non rapatriement des devises. Si bien que les investissements directs étrangers ne sont pas forcément encouragés.”
Madagascar sera évalué par les Nations Unies par rapport à ses engagements sur le plan international en matière de lutte contre la corruption. Une évaluation utile si la Grande Île veut être un espace sûr et incontournable en termes d’investissement. Laza Andrianirina avance l’adoption du système de management anti-corruption, et l’application des normes ISO37001.
Noro Andriamamonjiarison, du Groupement des Entreprises de Madagascar (GEM) avance qu’il faut remettre le secteur privé et les entreprises au centre du jeu et avoir une vision commune pour le développement. “Les opportunités sont là mais les défis internationaux viennent se superposer aux contraintes locales que viven quotidiennement les chefs d’entreprise. Les crises ont amplifiés les faiblesses de notre économie car nous avons des facteurs de non compétitivité qui sont nombreux. Il y a l’environnement des affaires, la corruption, le problème de l’énergie et les infrastructures” rappelle-t-elle avant de proposer d’autres solutions. “Il faut un choix des priorités : le climat des affaires, et l’énergie disponible pour tous. C’est tout à fait possible car nous avons un potentiel d’énergie hydroélectrique.”
Rasata Rafaravavitafika, directeur de l’expansion économique auprès du MAE a insisté sur un concept tout nouveau. Le “nation branding” ou l’image de marque d’un pays. C’est une approche multisectorielle qui consiste à véhiculer une bonne image du pays et à parler de ce qui marche, et surtout de définir un message clé afin de promouvoir Madagascar. “Chaque pays a une marque qu’il faut définir, communiquer et gérer sur le long terme. On peut créer de la richesse à partir de l’image de la biodiversité, de l’histoire, et du capital humain d’un pays”, explique-t-elle.
Tiana Ramanoelina