Une odeur de vanille rance, qui pourrit parce qu’on ne peut pas la vendre, pourrait bien planer sur l’économie malagasy. Le maintien du prix plancher à l’exportation de 250 dollars empêche toujours beaucoup d’exportateurs de vendre, car les acheteurs internationaux demandent un prix moindre.
Par conséquent, la demande sur le marché local est toujours en berne. Que ce soit la vanille verte ou la vanille préparée, les prix sont bien en deçà de ceux des années précédentes. Nous avons interviewé plusieurs opérateurs. Nous avons entendu des prix de vanille verte entre 20 000 et 30 000 ariary le kilogramme, et pour la vanille préparée entre 120 000 et 300 000 ariary le kilogramme, en local.
Voici aussi le témoignage d’un opérateur qui dispose de l’agrément d’exportation :
“Cela dépend si les producteurs travaillent avec des coopératives et des exportateurs et s’ils ont fait quelques contrats. Pour notre cas, on est à la fois producteur et transformateur. J’ai mon réseau. Et cela peut aider. Après ce n’est forcément pas le cas pour tous les producteurs. J’arrive à faire des ventes, mais à des petits clients, et c’est parfois compliqué. Du coup, je préfère vendre localement en ce moment. Nous, on arrive à vendre à 180 dollars, ce qu’on considère comme le prix normal. L’Etat ne devrait pas fixer le prix. Aucun acheteur à l’étranger ne veut acheter à 250 dollars, car c’est cher. Des clients nous proposent même 110 dollars.”
Il se produit un schéma semblable à celui que nous décrivions il y a quelques semaines sur les pierres précieuses. Nous racontions comment une taxe de 15% à 20% avait été appliquée sur les exportations de pierres et comment cette taxe pénalisait surtout les petits exploitants de brousse.
Voici ce que nous écrivions : “Les clients à l’étranger n’augmenteront pas leur prix d’achat. Les transporteurs ne peuvent pas baisser leur marge sous peine de tomber en négatif aussi. Les grossistes locaux doivent donc baisser leurs prix d’achat s’ils veulent conserver une marge à l’export. Et encore, beaucoup confient travailler beaucoup pour ne gagner que très peu d’argent au final. S’ils ne parviennent pas à acheter en brousse à un prix satisfaisant, ces grossistes qui habitent souvent à Tana ou dans les grandes villes peuvent se mettre au vert un certain temps, vivre sur leurs réserves, ou aller travailler à l’étranger. Ceux qui n’ont pas du tout le choix sont les exploitants de brousse. Ils doivent vendre régulièrement pour vivre.”
Aujourd’hui, la situation est la même dans le secteur de la vanille. Les exportateurs disposaient déjà d’une surface financière importante, sans laquelle ils n’auraient pas pu atteindre la taille critique pour décrocher et financer l’agrément d’exportations. Bien que certains vont perdre beaucoup d’argent, ils peuvent se reposer sur leurs actifs ou sur leurs autres activités. Les paysans, en revanche, n’ont que la vanille pour vivre et ne peuvent pas se reposer sur d’autres activités.
De plus, l’habitude des paysans dans la région de la vanille est de dépenser 100% de leur argent dans les mois suivant la paie. Ils n’ont donc aucun capital pour lancer une autre activité ou attendre la prochaine campagne.
Ceci explique sans doute, en partie, les petites manifestations aperçus dans la Sava, ces derniers jours. Jeudi 23 mars, des manifestants brandissaient des banderoles pour demander l’annulation du fameux prix plancher. Un homme portant un t-shirt orange, à l’effigie du Président Rajoelina, aurait même été agressé. L’information n’a cependant pas été vérifiée et la période pré-électorale est propice aux fausses informations et exagérations.
On peut aussi faire un parallèle avec le marché du clou de girofle, l’an dernier. Les retards d’octroi des agréments d’exportation (attribués finalement début décembre) ont empêché les exportateurs d’acheter en local pendant la campagne, qui débute en septembre. L’argent est arrivé tard ou dans un montant moindre que ce qu’ils avaient espéré, dans les poches des producteurs et des collecteurs locaux.