Denrée alimentaires et inflation : le prix du riz encore au sommet

L’inflation sur les produits alimentaires n’a pas encore pris fin. Le prix du riz atteint encore des sommets dans la capitale, aujourd’hui, comme depuis plusieurs mois.

Le kilogramme varie entre 2 700 à 3 900 ariary selon les qualités. Au marché de Mahamasina, le riz importé notamment celui qu’on appelle “riz de luxe” est le moins cher : 2 700 ariary ou 2800 ariary. Les variétés locales, le « makalioka » ou le “manalalondo”, sont bien plus chères. Leur prix peut monter jusqu’à 3 900 ariary. Selon les commerçants, c’est du jamais vu ! Le graphique avec les prix selon les régions montre que cette inflation est bien installée car le kilogramme coûtait déjà près de 3 000 ariary dans presque tout le pays en janvier (dernières données disponibles).

En ce qui concerne le riz importé, sur le marché international, le prix reste plus élevé que les années précédentes (voir graphique). L’indice de prix du riz, de l’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture des Nations Unies (FAO), en février 2023, est à 125,1, soit une légère baisse depuis janvier mais bien au-dessus de l’an dernier à la même période (102,5).

Le prix connaît des fluctuations entre des indices à 95 et 130 depuis trois ans. Il a connu une hausse en 2020, puis une baisse sur 2021, et une nouvelle hausse sur toute l’année 2022. Ces fluctuations résultent de facteurs multiples, dont les restrictions Covid, puis la reprise brusque, puis la guerre en Ukraine… Madagascar semble être de plus en plus dépendant aux importations car la quantité annuelle importée ne cesse de croître, selon le tableau de l’Observatoire malagasy du riz.

Pour la production locale, c’est une autre histoire. La direction régionale du Commerce et de l’industrie en Alaotra Mangoro, une des principales régions productrices de riz, tente d’expliquer la situation inflationniste. Selon Judicaël Ramily, directeur régional de ce ministère, cette envolée résulte “du manque d’approvisionnement au niveau des régions productrices, dont l’Alaotra Mangoro”, les autres régions étant le Boeny et le Bongolava. “Dans notre région, nous avons presque consommé la totalité des stocks issus de la dernière récolte”, explique le responsable ministériel. “Les stocks qui restent sont destinés à alimenter le marché local et non à approvisionner les autres régions” soutient-il. Cette pénurie durerait depuis un mois.

Dans l’Alaotra Mangoro, le paddy est vendu à 2600 ariary le kilo, actuellement. Ce qui explique les prix supérieurs à 3000 ariary dans la capitale si on intègre les marges des intermédiaires, des grossistes et des transporteurs.

Cette situation est périodique et ne devrait pas durer longtemps, à en croire encore les explications de Judicaël Ramily. “L’Alaotra Mangoro prépare actuellement les prochaines récoltes. Dans deux ou trois semaines, tout devrait revenir à la normale”, explique-t-il joint au téléphone.

Ce manque d’approvisionnement en provenance des régions productrices s’explique par des contraintes naturelles conjoncturelles comme des pluies violentes qui peuvent noyer des rizières ou détruire des réserves des paddy.
Mais il y a aussi les contraintes structurelles du business. Certains collecteurs et grossistes stockent le riz pour faire monter le prix artificiellement et le revendre plus cher quelques semaines ou mois plus tard. Une pratique contre laquelle le gouvernement n’a jamais réussi à lutter.

Enfin, la productivité reste faible sur l’ensemble du territoire, aux alentours de 2 tonnes à l’hectare en moyenne, là où des pays asiatique dépassent les 10 tonnes. Ainsi, les solutions de long terme ne peuvent passer que par une augmentation de la productivité. Des projets existent, comme Padap, financé par l’AFD à hauteur de 100 millions d’euros sur 5 ans, entre 2017… et 2022. On peine à voir les résultats de ce plan aujourd’hui…

Dans les années 1980, le père jésuite Henri de Laulanié a inventé le Système de Riziculture Intensive (SRI) à Madagascar. Le SRI repose notamment sur l’espacement des pieds et sur un usage très modéré de l’eau. Il permet de décupler les rendements sans pesticide et sans engrais… Son système a été adopté dans des dizaines de pays, notamment en Asie. Ironie du sort, à Madagascar, cette habitude ne n’est jamais répandue.

Tiana Ramanoelina, Nambinina,
Emre Sari

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