L’héroïne est-elle à la portée des Malgaches ? On se posait la même question sur la téléphonie mobile lorsque l’Etat l’a introduite à Madagascar dans les années 90. Et apparemment, la réponse est oui. Les toxicomanes malgaches, même les plus pauvres, ont désormais le choix entre les produits locaux – rongony – et le fameux rôrô ou héroïne.
Pratiquement, on proposait aux Malgaches des postes bas de gamme pour démocratiser l’usage de la téléphonie mobile. Et le résultat est là : même les coins les plus enclavés du pays sont connectés. Les fournisseurs de drogue adoptent la même démarche. En mélangeant l’héroïne pure avec des produits bon marché, ils obtiennent un produit qui se vend à quelques milliers d’ariary. Bien que ce prix ne soit pas donné, il permet aux plus pauvres de s’acheter des doses d’héroïne. Ce qui était impensable il y a encore cinq ans, même si l’héroïne circule à Madagascar depuis des années.
Avec la première dose à prix cassé, voire offerte, les jeunes tombent facilement dans le panneau. Quelques heures seulement après la première prise, ils se retrouvent dans le cercle infernal de la dépendance et les délinquances qui en découlent.
De leur côté, les fournisseurs et les dealers se frottent les mains en s’emplissant les poches. Et dans quelques années, les poissons qui ne se font pas attraper deviendront gros. Pourtant, drogue et gros sous riment forcément avec mafia. L’émergence d’un « El Chapo » malgache – Joaquín Guzmán Loera dit « El Chapo » est un célèbre baron de la drogue mexicain – est de l’ordre du fantasme à l’heure actuelle. Pourtant, si l’on laisse l’héroïne gangréner la société et sa vente prospérer, un cartel de drogue finira forcément par voir le jour à Madagascar.
Il est encore temps pour prendre des décisions radicales pour éviter que l’héroïne ne devienne aussi populaire que le téléphone portable. On n’a qu’à prendre exemple sur l’île Maurice ou la Thaïlande qui infligent des peines exemplaires aux trafiquants de drogue pour lutter contre ce fléau.
T. Rasam