Félix Rakotomalala habite à « La Réunion kely » d’Ampefiloha depuis 2010. Cet homme d’une quarantaine d’années raconte son vécu dans ce bidonville.
* Les Nouvelles : Qu’est-ce qui vous a amené à habiter ici ?
– Félix Rakotomalala : Ma femme, mes deux enfants et moi faisons partie de ceux qui étaient expulsés de leurs terres à Ankerana en 2010. La ministre de la Population de l’époque, Nadine Ramaroson, nous a installés provisoirement ici, dans des chapiteaux, en attendant une solution plus durable. Malheureusement, depuis son tragique accident, on nous a totalement oubliés. Après sa mort, les responsables de la Commune urbaine d’Antananarivo de l’époque nous ont pris les chapiteaux. Nous étions ainsi forcés de nous fabriquer un abri de fortune avec des sachets. A mon arrivée, il y avait près de 150 ménages. Actuellement, on enregistre au moins le double, surtout depuis la venue des gens originaires du Sud.
*Comment votre cohabitation se déroule-t-elle ?
- Plutôt bien. On s’entraide entre voisins en s’empruntant de l’argent. Et, gare à celui qui ne rembourse pas, car il peut être banni de la communauté. En général, ce sont les disputes conjugales qui troublent le voisinage à cause de l’exiguïté des foyers.
En outre, le chef quartier est intransigeant sur l’enregistrement de tout nouveau venu dans le registre d’hébergement (Bokim-bahiny). Depuis, l’insécurité n’est plus le problème de « La Réunion kely ». A preuve, les forces de l’ordre ne nous rendent plus visite que très rarement.
*Depuis votre arrivée, quelles sont vos sources de revenus ?
– Toujours la fouille des bacs à ordures. On nettoie et répare les objets trouvés avant de les vendre. Toutefois, avec le nombre de démunis qui ne cesse d’augmenter, le champ de fouille de chacun s’amenuise de jour en jour. Et gare à celui qui marche sur le territoire des autres.
De son côté, ma femme fait la lessive dans les quartiers environnants. Mes trois enfants travaillaient comme porteurs d’eau et se débarrassaient des ordures ménagères. Actuellement, ils vont tous à l’école grâce à une prise en charge des sœurs catholiques d’Isotry. En général, on trouve toujours de quoi manger et satisfaire tant bien que mal nos besoins journaliers.
*Durant toutes ces années, est-ce que vous n’avez jamais pensé à trouver autre chose pour améliorer votre situation ?
– Si, bien sûr, mais comment et avec quels moyens ? L’espoir est permis avec la venue des projets d’exode urbain de certaines ONG, comme celui de Soaniadanana d’Anjozorobe. Je suis parti à deux reprises, mais c’est trop beau pour être vrai. On nous soutient au début du projet avant que tout ne s’arrête du jour au lendemain, sans qu’on puisse savoir pourquoi. Pire, nous sommes obligés de marcher plus d’une centaine de kilomètres à pied pour revenir ici. Beaucoup de nos camarades n’ont pas survécu à cette aventure.
Propos recueillis
par Sera R.