Rémunérations: un salaire minimum en dents de scie

Le salaire minimum d’embauche (SME) à Madagascar vit une existence saccadée, et avec lui, les fiches de paie des salariés connaissent des hauts et des bas.

En 2022, le président de la République a décidé d’augmenter le SME à 250.000 ariary. Dans le compte rendu du Conseil des ministres d’il y a quelques semaines, il est mentionné que ce nouveau calcul serait applicable à partir du 1er janvier 2023. Mais le montant en question ne bénéficie plus d’une subvention.

En effet, depuis le 1er mai 2022, un décret a fixé le montant du SME à 250.000 ariary, dont 217.000 ariary sont payés par l’employeur et les 33.000 ariary restants subventionnés par l’État. Cependant, certains employés constatent que seule la somme payée par l’employeur est mentionnée sur leur fiche de paie. Un responsable des ressources humaines confie : “Un décret d’application devrait confirmer la répartition, où le paiement du montant total est à la charge des employeurs, mais une déduction devrait être effectuée par la CNaPS selon un calcul permettant de restituer les résidus aux employeurs. Mais nous attendons toujours ce décret.” Un employé réagit en disant : “On nous a promis 250.000 ariary, mais en réalité, nous n’avons jamais vu une telle somme affichée sur notre fiche de paie en tant que salaire brut.” En d’autres termes, le salaire de référence précédent était de 217.000 ariary.
Le salaire minimum d’embauche (SME) risque d’évoluer encore dans les prochains mois, après un long parcours cahoteux. Selon les partenaires sociaux, il est fort probable que le SME de 250.000 ariary prévu en 2022 soit appliqué pour 2024.
Cette affirmation est d’ailleurs confirmée par Thierry Rajaona, président du Groupement des entreprises de Madagascar, lors d’une conférence de presse. A en croire les explications du président du GEM, la demande du président de la République, Andry Rajoelina, d’augmenter le salaire minimum à 250.000 ariary n’est pas applicable pour cette année, par contre “cet objectif devrait être atteint pour 2024”, avait-il expliqué. Une situation qui devrait faire le bonheur de certains surtout face à cette inflation galopante observée depuis quelques mois et que les autorités ne parviennent pas à juguler.

En attendant, les salariés vont devoir faire avec les 238.000 ariary décidés dernièrement en conseil des ministres. Déjà avec le marché du travail qui reste problématique, les chanceux qui touchent ce montant doivent optimiser et prioriser les dépenses pour faire face au quotidien. Toujours d’après les explications de Thierry Rajaona, durant la même conférence de presse, ce nouveau montant a été fixé par les partenaires sociaux au cours d’une réunion et après plusieurs négociations avec le président de la République.

Certaines entreprises n’ont pourtant pas attendu les réunions consécutives pour appliquer un salaire minimum équivalent à celui proposé par le chef de l’Etat, “parce qu’elles en avaient les moyens”, selon Rémi Botoudi, secrétaire général du Secrima (Confédération chrétienne des syndicats malgaches ou Sendika krisitianina malagasy) (Sekrima). “Il est évident que durant la crise du Covid-19, la capacité de production de certaines entreprises a considérablement augmenté. Depuis, elles ont déjà appliqué un salaire minimum de 250.000 ariary”, poursuit-il.

“Cette décision ne nous convient pas, il ne faut pas oublier qu’il y a des entreprises qui ont la bonne volonté de payer ce salaire minimum. L’Etat ne respecte pas la loi. Le décret 2022-626 est clair dans son article premier qui mentionne que le salaire minimum est de 250.000 ariary. Un autre décret interministériel est sorti en septembre 2022 et confirme le montant de salaire minimum. Néanmoins, celui-ci contient des annexes sur les catégories de professions. Quand on regarde le bulletin de paie à cette époque, la plupart des entreprises n’ont pas respecté ces dispositions légales, elles sont mis 217.000 comme salaire de base et il a été marqué dans le bulletin de paie : subvention de l’Etat 33 000 ariary”, rappelle un syndicaliste. “Les autorités n’ont même pas pris le temps de nous consulter, cette décision de faire baisser le salaire minimum a été prise à l’issue d’une rencontre avec les grands opérateurs. On a l’impression que le gouvernement joue avec nous à travers des terminologies”, se désole-t-il.

Pour l’heure, les syndicats insatisfaits préfèrent attendre mais ils envisagent de faire savoir leur mécontentement à travers des manifestations qu’ils appellent “différend collectif”.

Tiana R. et Nambinina

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